dimanche 30 novembre 2008

François Ruffin - La Guerre des Classes

J'ai hésité longuement pour cette première fiche, mais comme il s'agit d'un ouvrage récent, autant lui donner un coup de projecteur bienvenu.


La Guerre des Classes
de François Ruffin
Fayard - octobre 2008
ISBN : 978-2213638164

François Ruffin n'est pas un inconnu. Il collabore souvent au Monde Diplomatique, et son ouvrage contient pour partie des éléments de ses articles dans ce journal (y compris le numéro de novembre 2008). Il s'était fait connaître aussi par son livre sur la formation des journalistes, "Les Petits Soldats du Journalisme", qui avait fait couler beaucoup d'encre à l'époque.

La Guerre des Classes est issu d'un constat très simple : la disparition quasi-totale de la notion de lutte des classes dans les discours de la gauche (PS et PC). De la disparition de ces quelques mots, Ruffin fait le tour des idées ayant mystérieusement disparu des principaux courant de gauche, tout en décrivant cette évolution et en lui donnant des causes. Où sont passés le socialisme, la lutte de classes, le partage des richesses ? Perdus au combat ? Non, plutôt discrètement éjectés, balayés sous le tapis pour "faire propre" lors des discours et des grands raouts. Pourtant, ces notions ne sont guère obsolètes, et Ruffin se charge de nous le démontrer.
Pis encore, il nous montre aussi comment la droite utilise ces notions pour les déclarer obsolètes ou archaïques. Comme si la gauche n'avait pas changé de discours depuis un siècle. Alors que c'est bien le cas, elle a changé : elle s'est débarassé de tous les concepts qui la fondaient. Et c'est bien la droite qui n'a pas changé depuis un siècle, à part peut être pour enlever ses derniers freins face à la finance. Les discours d'archaïsme de la gauche, on les retrouve déjà sous la plume des maîtres des forges à la grande époque.
Il n'échappera pas au lecteur que le style pamphlétaire de Ruffin peut pousser le commentateur à rejeter en bloc ce qui est dit pour des questions de style. C'est se tromper de débat, le fond est plus important que la forme, et ce fond est ici essentiel.

Utilité au militant de gauche :
  • Ruffin rappelle ici les notions fondatrices de la gauche. Le partage des richesses, la lutte des classes, bref ce qui est son fond électoral depuis toujours et dont la disparition est dangereuse pour elle (et qui est probablement une des raisons de ses diminutions de suffrages). Sous des impulsions de "modernisation" venue de la droite, la gauche a rejeté ce qui la faisait, s'acoquinant avec une droite modérée, a minima dans la partie économique de ses programmes.
  • D'autre part, il rappelle ce chiffre qui tarde franchement à devenir célèbre : 9,8%. Il s'agit, en France, de la part du PIB ayant "ripé" du salariat vers l'actionnariat. Cela représente dans les 150 milliards d'euro par an, et cette évolution, similaire dans toute l'Europe, a réussi a inquiéter la Banque des Règlements Internationaux (BRI) (source retrouvée dans un article du même Ruffin sur le Monde Diplomatique). En bref, dans les 20 dernières années, la France a presque doublé son PIB, mais ses habitants, à une minorité près, doivent toujours plus se serrer la ceinture.
  • Il revient aussi sur l'utilisation des idées de gauche par la droite. Aux dernières élections, seuls des hommes de droite usèrent de l'expression "lutte des classes", pour rappeler que c'est une notion archaïque. Etrange, puisque leurs adversaires n'en usaient pas. Serait-elle moins archaïque que prévu pour qu'il faille, par pétition de principe, rappeler à chaque instant qu'elle l'est, soyez-en-persuadés-braves-gens ? Les classes existent, n'en doutez pas un instant. Il suffit pour cela de la présence de riches et de pauvres. Et Warren Buffet lui même affirme l'existence de la lutte de ces classes, en disant que c'est "sa classe, les riches, qui est en train de gagner [cette lutte]". L'exploit fondamental aura été de faire que l'une des deux classes s'enlise dans une lutte interne : l'assedic peut haïr le rmiste, qui peut à son tour détester le cotorep, ad nauseam. Grâce à cela, aucun d'entre eux ne se tourne vers le vrai auteur de ses malheurs : les gens qui sont du coté du manche.
L'avis d'Alias