vendredi 4 décembre 2009

Manifeste espagnol pour la défense des droits fondamentaux sur Internet

(Note de Lectures Libres : Traduction effectuée par moi-même. A part ça, ça vous rappelle pas quelque chose ? Remplacez "Espagne" par "France"...)

Un groupe de journalistes, bloggeurs, professionnels et créateurs espagnols souhaitent exprimer leur ferme opposition à l’inclusion, dans un projet de loi, de quelques changements aux lois espagnoles visant à restreindre les libertés d’expression, d’information et d’accès à la culture sur Internet. Ils déclarent ainsi que :

1. Le droit d’auteur ("copyright") ne devrait pas être au-dessus des droits fondamentaux d’un citoyen à la vie privée, à la sécurité, à la présomption d’innocence, à une protection juridique effective et à la liberté d’expression.

2. La suspension de droits fondamentaux est et doit rester de la compétence exclusive du juge. Ce projet, contrairement aux provisions de l’article 20.5 de la constitution espagnole, mets dans les mains du pouvoir exécutif la possibilité d’empêcher les citoyens espagnols d’accéder à certains sites Internet.

3. Les lois proposées créeraient une incertitude légale parmi les entreprises espagnoles travaillant sur les technologies de l’information, endommageant l’une des rares zones de développement et de futur au sein de leur économie, gênant la création de start-ups, introduisant des barrières dans la compétition et ralentissant sa projection internationale.

4. Les lois proposées menacent la créativité et gênent le développement culturel. Internet et les nouvelles technologies ont démocratisé la création et la publication de tous types de contenus, qui ne dépendent plus d’une petite industrie âgée mais de sources multiples et différentes.

5. Les auteurs, comme tous les travailleurs, sont dignes de vivre de leurs idées créatives, des schémas commerciaux et des activités liées à leurs créations. Essayer de maintenir une industrie obsolète avec des changements législatifs n’est ni équitable ni réaliste. Si leur schéma commercial était basé sur le contrôle des exemplaires de toute création et que cela n’est plus possible sur Internet, ils devraient rechercher un nouveau schéma commercial.

6. Nous pensons que les industries culturelles nécessitent des alternatives modernes, efficaces, crédibles et abordables pour survivre. Elles ont aussi besoin de s’adapter aux nouvelles pratiques sociales.

7. Internet devrait être libre et ne recevoir aucune interférences des groupes qui cherchent à perpétuer des schémas commerciaux obsolètes ainsi qu’à stopper la libre circulation de la connaissance humaine.

8. Nous demandons au gouvernement de garantir la neutralité du web en Espagne, car il agira comme un cadre dans lequel une économie soutenable peut se développer.

9. Nous proposons une véritable réforme des droits de propriété intellectuelle afin de s’assurer d’une société de connaissances, de promouvoir le domaine public et de limiter les abus de la part des organisations de droit d’auteur.

10. Au sein d’une démocratie, les lois et leurs amendements ne devraient être adoptés qu’après un débat public opportun et la consultation avec toutes les parties impliquées. Les changements législatifs affectant les droits fondamentaux ne peuvent être effectués que dans la loi constitutionnelle.

Note : ce manifeste est l’œuvre de plusieurs auteurs et la propriété de tous. Copiez-le, publiez-le, partagez-le à l’envi.

Texte original :
Microsiervios (castillan)

Liens vers ce message :
Blog d'Alias

jeudi 19 novembre 2009

De les flux migratoires, sujet obsessif de notre gouvernement

Parfois, j'ai des surprises agréables. Ce matin, en me rendant à ma boîte aux lettres, j'avais un courrier de la Cimade afin de se présenter et me proposer l'adhésion à leur ONG. Dans cette lettre se trouvait un tout petit livret, petit format et quelques pages, intitulé "Petit Guide Pour Comprendre Les Migrations Internationales". Je l'ai lu dans le métro ce matin, d'un bout à l'autre.

Non seulement il est très bien fait, mais les informations qu'il contient sont extrêmement pertinentes, lourdes de faits et chiffres intéressants, qui balaient pas mal le spectre de la soupe mille fois répétée par les politiciens aux projets politiques décevants (oui, je pense à quelqu'un là, voire plusieurs).

J'ai sincèrement été impressionné par la qualité de ce petit livret et en recommande chaudement la lecture. Cela vous fournira un argumentaire solide dans les conversations sur le sujet. (Et l'adhésion à la Cimade sera un plus notable :))



Petit Guide Pour Comprendre Les Migrations Internationales (Collectif)
édité par :
La Cimade
L'humanité passe par l'autre
64 Rue Clisson 75013 Paris
01 44 18 60 50

vendredi 13 novembre 2009

La mise à mort du travail en (habit de) lumière

Je viens de finir de regarder le triptyque "La mise à mort du travail", de Jean-Robert Viallet. A la fin de ces 3h d'émission, la douleur et la nausée sont les principales émotions que je ressens, à l'égard d'un système qui broie et dont un point essentiel est de faire adhérer ses victimes à son fonctionnement.



La Mise à Mort du Travail 1 : La Destruction :
Cette première partie se centre sur la souffrance au travail, physique et psychologique… Du coté physique, il s'agit des TMS ou Troubles Musculo-Squelettiques dus à des gestes mille fois répétés, pour l'exemple par les caissières de supermarché, transformées en machines à enregistrer des prix simplement parce que fabriquer une machine spécialisée doit pas encore être assez rentable. De l'autre côté, nous avons les souffrances psychologiques dues à la fois au mépris actuel pour le travail en tant que tel mais aussi aux diverses formes de harcèlement moral que peut subir l'employé. Dans ce cas, il s'agit toujours des caissières, virées semble-t-il à l'aide d'un stratagème scandaleux, mais aussi de cadres car ce mal n'épargne aucun échelon.

La Mise à Mort du Travail 2 : L'Aliénation :
Ici, on s'intéresse au paradoxe du middle management, qui, contrairement à ce qu'on lui fait miroiter à l'embauche n'est qu'un fusible du type «faire passer les ordres
ou sauter». On y évoque aussi la pantalonnade malsaine de l' «amour corporate» (qui exige d'un salarié qu'il aime son entreprise, qui ne lui donnera rien en échange que la chance de ne pas se faire virer), ainsi que les superbes techniques de recrutement dont le but est de repérer et recruter les chômeurs prêts à marcher sur la tête de leurs semblables pour 30 deniers mensuels.

La Mise à Mort du Travail 3 : La Dépossession :
Ce dernier volet exhibe enfin le «monstre» en tentant d'expliquer d'où provient tout ce fleuve de larmes que sont les conditions de travail. D'une part, une autre pièce est versée au dossier, a savoir le «toyotisme», qui n'est rien d'autre que le pinacle du «fordisme» car contrairement à ce dernier qui imposait, la nouvelle organisation fait miroiter à sa «victime» que ses conditions de travail vont s'améliorer. Or on sait que ce n'est pas vrai : l'idée de départ est de booster la production et, au travers de celle-ci, le profit. Quand l'employé trouve un truc pour faire vite et mieux, il ne fait que se pourrir la vie car la cadence va augmenter, héhé. Et la cadence augmente pour un profit qui ne revient pas ni au salarié ni même au patron mais aux fonds d'investissement qui ont fait des opérations légales financières à haut rendement qui se fichent totalement des entreprises vampirisées et dont la réussite est conditionnée par le pressage, tel du raisin, de l'entreprise, avant revente à un autre vautour. Qui se paiera lui aussi sur la bête… Jusqu'à ce que mort s'ensuive (mais y'a aussi des sous à se faire sur le dépeçage). Un coda intéressant à cette exhibition est la littérature abondante expliquant et célébrant ce mépris de l'homme et du travail pour ne vanter que réussite individuelle au mépris du groupe qu'est une civilisation. Je suis d'accord avec le dernier intervenant qui contemple l'idée que notre civilisation est sur sa pente descendante, en décadence.

Pour limiter les TMS dus à l'usage d'un clavier, ce message a été rédigé sur un clavier bépo

lundi 9 novembre 2009

De l'ouverture de l'espace (c'est plein d'étoiles)

J'aime bien le théâtre, ces temps-ci, alors j'en parle. Le thème du billet est Open Space.

Parlons d'abord de la pièce de théâtre, histoire de se détendre, pour laquelle il reste quelques représentations (dépêchez-vous). Au sein d'une boîte de lingerie, les employés ont une furieuse tendance à glander dans l'open space et à tout remettre sur le dos de la brave poire qui fait le travail de tous les autres, y compris son boss. Les personnages de cette chouette comédie, on en reconnaît tous au moins un dans son entourage professionnel proche. Les situations de la vie quotidienne des open space, revues avec un humour hystérique, s'enchaînent jusqu'à ce qu'un gros problème ne pousse les gentils glandeurs à s'unir et à se bouger le cul (je ricane d'ailleurs à l'idée des commentaires des pontes du Medef si la situation se produisait vraiment, hin hin hin).
Un chouette moment de détente et de rigolade.


Dimanche 17 janvier à 16h
Mercredi 3 février à 19h
Dimanche 7 février à 19h
Mercredi 10 février à 19h
Théâtre de la Reine Blanche

Pour rester sur le même sujet, difficile de ne pas parler du gros succès en librairie depuis l'hiver dernier au moins, le livre "L'Open space m'a tuer". Au travers d'une dizaine de chapitres, avec un ton pour le moins mordant, ce livre rapidement lu donne un aperçu clair et cynique du travail dans les boîtes de conseil et autres SSII. J'ai vu, dans ma courte carrière, les divers comportements désespérants que provoquent les soi-disantes "améliorations" apportées aux lieux de travail : les accros au Blackberry, le flicage par ses propres collègues, etc. Les "open space", parce qu'ils fonctionnent sur le principe de nivellement par le bas, de diviser pour régner, etc. en exploitant les tendances grégaires de l'être humain font finalement saillir le pire de l'humain afin de tirer le maximum de productivité, de profitabilité, pour l'entreprise de ce pire. Alors ce new management, dont la plupart des étagères des librairies spécialisées se font l'echo, ce new management, donc a déjà été mis à mal par toutes les études effectuées sur le rapport entre le plaisir de travailler et la productivité. Mais ce n'est pas grave, continuons et laissons les gens se bourrer d'anxiolytiques (et de bouquins de coaching et de développement personnel, dont faudra qu'un jour je cause).

Bref, l'Open Space m'a tuer mets les points sur les "i" avec une petite touche d'humour grinçant. Ils ont aussi un site web.


L'Open space m'a tuer, de Thomas Zuber et Alexandre des Isnards
chez Hachette
ISBN n°2-012374-08-5

vendredi 6 novembre 2009

F pour Fawkes



Puisque Guy Fawkes Night s'est achevée sans qu'aucun parlement n'aie explosé, je vois mal pourquoi ne pas parler tout de suite de V For Vendetta (en BD et film) et de Guy Fawkes d'une manière plus générale.

D'abord, la Conspiration de la Poudre (Gunpowder Plot) et Guy Fawkes. Ce cher bonhomme rendu célèbre en dehors du Commonwealth par la BD d'Alan Moore a essayé de faire sauter le parlement britannique en 1605. Cependant, j'ai remarqué que peu de gens savent exactement l'histoire et que, pour les lecteurs français, Guy Fawkes et V, le personnage de la BD, se confondent aisément dans une figure de héros anarchiste combattant pour le bien du peuple. Corrigeons donc ce petit point historique : la tentative de Fawkes s'inscrit dans la guerre de religion catholiques/protestants qui fit rage tout au long du XVIIè siècle dans toute l'Europe et qui est restée une source de conflit encore longtemps après dans certains pays (au hasard l'Irlande, même si le conflit irlandais ne se limite pas à des notions de religion, c'est bien plus complexe). Fawkes et sa théorie de copains catholiques ont essayé de faire sauter le parlement du roi protestant Jacques 1er afin de tenter d'obtenir un gouvernement catholique. Le tout avec trois tonnes de poudre et l'aide de la couronne espagnole de l'époque. On est quand même très loin du héros anarchiste, même s'il s'agit bien d'action directe. Fawkes a été condamné à la peine la plus tortueuse de la justice locale de l'époque : pendu, étripé et coupé en morceaux, même s'il est mort avant de la subir. Depuis, les britanniques célèbrent sa démise avec force pétards et feux d'artifices, tout en brûlant des Guy Fawkes en effigie.

Forts de cette information, passons à la bande dessinée. Dans un futur très proche, le Royaume Uni s'est replié sur lui-même complètement et est à la botte d'un leader suprême, dans un gouvernement mélangeant fascisme et Big Brotherisme. Sa devise : "Strength through Unity, Unity Through Faith" (des mots forts dans une devise courte et peu significative mais très volontaire, typique). Il possède, bien évidemment, une police secrète : le "doigt". Pour lutter contre cela, un homme va se dresser avec pour objectif de faire tomber le gouvernement et rendre au Royaume Uni sa liberté, "V". Il porte un costume de Guy Fawkes et choisit, évidemment, le 5 novembre pour entamer son projet. Ce jour là, il va rencontrer Evey, une jeune fille désespérée qu'il va prendre sous son aile.

Dans les discours de "V" transparaît un discours anarchiste vrai, propre et définitif, dans lequel il établit les raisons de son combat et ce contre quoi il se bat : le terrorisme d'état, le fascisme, l'autoritarisme, le "big brotherisme" etc. L'ouvrage en profite pour montrer les aspects négatifs de tous ces éléments sans tomber dans le piège de l'apologie des actions de V, qui sont elles aussi critiquées.

L'adaptation en film, qui a été tant décriée, n'est pas du tout mauvaise. On peut arguer de la différence entre sa fin et celle du livre originel, par rapport au message que chacune transmet, mais cela n'en fait pas pour autant un mauvais film. Je recommanderais, si le film a été apprécié (ou non d'ailleurs) de lire la BD.


BD : V For Vendetta, de Alan Moore et David Lloyds
réédité il y a peu chez Panini Comics
ISBN : 2-809409-65-X

Film : V For Vendetta, de James McTeigue avec Nathalie Portman (Evey) et Hugo Weaving (V)

mardi 3 novembre 2009

Grand Frère t'emmène au théâtre

Avec ce billet j'inaugure l'extension de ce blog à d'autres éléments culturels que le livre sur les sujets que j'aborde habituellement. Et ce même si ce n'est pas le premier à parler d'autre chose que de livre.

Big Brother Vous Regarde

Il se trouve que je suis allé voir l'adaptation de "1984" au Théâtre de Ménilmontant. Oui, je ne cache pas une certaine fascination pour cette oeuvre d'Orwell et, quand j'ai vu l'affiche, moi et un ami n'avons pas hésité et réservé nos places. Nous partîmes 5 et sortîmes mitigés.

Tout d'abord, la pièce est pétrie de qualités : la mise en scène est particulièrement soignée, surtout dans son utilisation du multimédia. Le fond de la scène se compose de deux grands écrans dans lesquels des écrans plus petits se découpent pour à la fois créer des ouvertures ou servir pour des projections annexes. Au hasard pour y afficher le visage de Big Brother, regardant d'un air suspicieux le public. Ca fait son petit effet. En jouant de ces deux écrans mobiles, la troupe nous crée des murs, des portes, des couloirs ou des rues. Sur les écrans sont projetés des séquences vidéo permettant d'intercaler des séquences filmées aux séquences jouées. Les deux s'interpénètrent bien, d'autant plus que la transition entre les deux se fait parfois de manière très douce, bien vue.
La musique, elle aussi est bien choisie, industrielle et oppressante. Sans oublier quelques bonnes idées, comme l'usage de lampes frontales dans le noir pour faire des gyrophares (j'ai un faible pour les lampes frontales, j'avoue). J'ai aussi beaucoup apprécié certains détails de la mise en scène sont très amusants à suivre, comme l'équipe médicale qui se lève quand O'Brien se lève et s'assied quand il s'assied.

Les reproches que j'aurais à faire (ainsi que mes compagnons spectateurs) sont les suivants : d'abord, nous n'avons pas apprécié l'interprétation de Julia, qui nous a semblée bien vulgaire. Ensuite, le membre du Parti Extérieur qui s'occupe de la NovLangue nous a lui aussi semblé différent du roman. De ce dernier nous revenait une discussion entre intellectuels, avec un passionné. Ici, ce passionné est gluant, inquiétant, abusif. Peut être pour cumuler en lui d'autres aspects négatifs du parti, c'est vrai. Cela m'a moins gêné que mes compagnons. Le dernier point, c'est qu'il nous a semblé, par rapport au roman, qu'il manquait quelque chose, mais nous n'avons su mettre le doigt dessus.

Au final, nous sommes sortis mitigés. J'ai au global beaucoup apprécié, avec les bémols cités au-dessus. Est prévue l'adaptation du Meilleur des Mondes pour cet hiver. Je ferai sûrement le déplacement à nouveau.

1984 - Big Brother Vous Regarde
Jusqu'au 23 décembre au Théâtre de Ménilmontant (15 rue du retrait, Paris 20)
(cliquer sur le lien pour plus d'information)

vendredi 30 octobre 2009

Fantasmes d'acier

Norman Spinrad est un mec qui a de l'humour, tout comme Roland C. Wagner, qui signe la préface de son livre. J'ai beaucoup aimé les ouvrages de Spinrad que j'ai lus, mais celui-là, je dois avouer que je l'ai lu en diagonale au bout d'un moment. Ce n'est toutefois pas une raison pour laquelle je l'aurais trouvé mauvais... Bien au contraire, j'ai beaucoup aimé, une nouvelle fois, même si j'aurais tendance à prévenir un éventuel lecteur de la manière suivante : "si ça te gonfle, lis le en diagonale afin d'arriver à la postface."

Il s'agit d'un ouvrage qui a fait couler de l'encre bilieuse dans les rares fanzines de SF en son temps :
Rêves de Fer de Norman Spinrad
chez Folio SF
ISBN : 2-070320-52-9
(Je mets exprès la vieille couv de chez Opta, plus "significative" :)


A l'époque où Rêve de Fer est paru, nombre d'ouvrages de SF évoquaient des univers galactiques ou post-apocalyptiques avec des systèmes gouvernementaux à base d'empire, d'eugénisme etc. qui ne démordaient pas d'une certaine fascination, voire d'une certaine apologie de leurs sujets. Spinrad ne fait au final qu'écrire un roman de cette lignée, mais basé sur le nazisme, démontrant par l'absurde et l'ironie à quel point les fascination des auteurs de SF des années 50-60 pouvaient parfois avoir des cotés malsains.

Le livre de Spinrad cache derrière sa couverture un vrai-faux roman d'un autre auteur : intitulé "Le Seigneur du Svastika", on lit le dernier livre d'un obscur auteur de Science Fiction, émigré en 1919 d'Allemagne aux USA, à savoir Adolf Hitler. "Le Seigneur du Svastika" est donc un roman racontant l'accession au pouvoir puis la guerre d'agression pour l'espace vital et la pureté génétique de son héros, Feric Jaggar. Le roman est assez mal écrit, rempli des obsessions malsaines de son auteur.

Feric Jaggar est un 'purhomme', l'un des derniers représentants du génotype humain au milieu de tous les mutants que la radioactivité due au "Feu des Anciens" a généré. Il va à la république de Heldon, bastion de la pureté génétique humaine, où il prend la tête d'un petit parti, par lequel il prend le pouvoir à Heldon. Prônant la pureté génétique par tous les moyens et la purification des mutants, il emmène sa patrie sur le sentier de la guerre pour conquérir la planète et la nettoyer de tous les mutants, en commençant par l'Empire de Zind, à la tête duquel les vils Dominateurs, qui contrôlent par l'esprit les purhommes comme les mutants. Jaggar ne doute jamais, a toujours la solution pour tout et n'hésite pas à réclamer massacres, génocides ou parades militaires pour satisfaire à ses objectifs.

Ce qui est amusant, c'est qu'il suit la vie du Hitler réel, mais comme si tout lui avait réussi et en allant jusqu'au bout de ses fantasmes. Cependant, la farce recouvre une réalité horrible et le lecteur ne rit pas, surtout à la mise en place de l'équivalent de la Solution Finale. L'ouvrage de Spinrad est l'inverse complet d'une apologie, la "postface" (de Spinrad elle aussi) ne laisse planer aucun doute, détruisant "Le Seigneur du Svastika" et contenant une condamnation claire et définitive du nazisme.

C'est une lecture au final extrêmement intéressante, avec une postface amusante, ainsi qu'un exercice rigolo. Si vous devez le lire, tenez bon jusqu'à la postface, car Spinrad écrit volontairement mal le vrai-faux roman, donc le lecteur finit par se lasser, au-delà même du sentiment de malaise. Cela met aussi sous un jour différent les romans à base d'empires galactiques parfaits qui compose un certain nombre de fleurons de la SF...

Un autre point, c'est qu'on a du mal à croire à la prise du pouvoir et des objectifs de Jaggar. Ca paraît complètement fantasmatique, or la réalité fut similaire (dans certaines limites). C'est une mise en lumière de l'adage "La fiction, par rapport à la réalité, se doit d'être vraisemblable", et ça ne le rend que plus inquiétant...

Edit mai 2012 : Les corbeaux en parlent.

jeudi 22 octobre 2009

L'insurrection venue de l'Empire Américain

En ce moment, j'ai la flemme, alors je continue sur ma lancée de petits livres. J'ai beaucoup entendu parler du livre du Comité Invisible, les mecs qui auraient comme loisir de balancer des plaques de béton sur les caténaires de TGV. Honnêtement, je doute qu'ils aient que ça à foutre, tout comme le bouc émissaire qu'on a collé gratos en tôle pendant un temps fou. Bref, j'ai acheté le dit opus afin de me faire une idée de quoi que l'on parle.


L'Insurrection qui vient, du Comité Invisible
aux éditions La Fabrique
ISBN : 2-913372-62-7

Cet ouvrage a été écrit par des gens énervés, des gens qui en ont marre. Un peu comme moi, mais 'achement plus énervés quand même. Marre de tout un tas de choses de notre société, comme la façon dont est organisée l'école, le travail, les relations humaines, etc. Il m'arrive de me reconnaître dans certains des coups de gueule qu'ils poussent mais aussi de trouver exagéré d'autres reproches faits (à l'école, notamment). En gros, le postulat de base est que les émeutes en banlieues de 2005 sont le signe que les jeunes ont en eux suffisamment de rage pour pouvoir, s'ils s'organisent, entamer une véritable insurrection qui changerait les choses.
Cependant, l'ouvrage, organisé en "cercles" définissant chacun un sujet, comme les cercles de l'Enfer de Dante définissent chacun un péché, n'en fais pas la démonstration. Chaque sujet abordé est démonté et, s'il commence de manière argumentée, finit à chaque fois sur la note bilieuse de quelqu'un qui en marre depuis longtemps. Par certains coté, il s'agit un peu d'un Unabomber Manifesto : des propositions acceptables entrelacées de propositions parfois démentes ou exagérées, en tout cas que je trouve en manque d'arguments.
La fin du livre, une fois les sujets passés en revus, invite les gens à se rencontrer et à agir ensemble. C'est honnêtement la partie de l'ouvrage qui m'a laissé froid, non sur l'idée de base, mais sur la manière de l'aborder.
Un ouvrage qui m'a laissé dubitatif, donc. On verra si l'insurrection vient.

Pour me délasser à coté de cela, je me suis pris l'adaptation en bande dessinée de l'ouvrage de Thomas Zinn, Une Histoire populaire des États Unis. Il faut savoir que je suis une phénoménale feignasse et que l'ouvrage originel m'étant tombé des mains y'a un moment (j'ai le degrés d'attention d'un poisson rouge, en fait), la version BD est tout à fait ce qu'il me faut.


Une Histoire populaire de l'Empire Américain de Thomas Zinn, Paul Buhle et Mike Konopacki
chez Vertige Graphic
ISBN : 2-849990-76-0

La BD prends les points essentiel de l'ouvrage de Zinn, qui part du postulat que l'histoire des États Unis est fondée sur une politique impérialiste, et s'attache à démontrer ce postulat à travers de nombreux exemples historiques. J'ai eu d'un ami historien la remarque que cet ouvrage (le livre, pas la BD) était très bien à condition de ne pas trop s'attacher à la réalité historique que Zinn malmènerait. Hélas, ce commentaire laconique ne s'était pas accompagné d'une description précise des points reprochés afin que je puisse me faire une opinion. Dont acte.
De mon point de vue, cette lecture a été édifiante, mettant en lumière énormément de choses que je ne connaissais pas de l'histoire de cette fédération, principalement tout ce qui est antérieur à la chute du mur de Berlin et/ou qui reste intérieur, à commencer par les luttes syndicales de la fin du XIXè et du début du XXè siècles. On sent l'influence de Chomsky sur la manière d'aborder les événements que Zinn a, et nombre d'événements restés dans l'ombre amènent une lumière particulière sur l'histoire aujourd'hui (je pense au bras de fer USA-Iran actuel).
Bref, j'ai appris plein de choses intéressantes, et je trouve la démonstration assez bien menée. Au niveau BD, le dessin est correct sans plus, lisible et suffisamment sobre pour mettre en exergue le propos. Je ne sais pas si les choix par rapport à l'ouvrage d'origine ont été bons ou non, mais cela m'a donné envie de me remettre à le lire (hop, retour sur la pile "A Lire"), donc il est possible que j'en reparle.

Sur ce, j'ai Rêves de Fer (Spinrad) à finir.

mercredi 23 septembre 2009

Beaux discours et vie chère

Eh bien, je dévoire moi... Bon, vous me direz, je me foule pas vu la longueur des bouquins.

L'éditeur Points a édité trois microscopiques recueils qui reprennent, chacun, deux discours célèbres sur un thème donné. Je vais probablement en reparler vu que j'en ai acheté trois mais compte lire toute la série. Le premier que j'aie lu, dans le métro hier soir est le suivant :
I have a dream de Martin Luther King Jr. suivi de La Nation et la race, de Ernest Renan
chez Points
ISBN : 978-2757814994


Deux discours, dont le premier est archi-célèbre mais dont, évidemment, personne ne connaît autre chose que la première phrase, ou peu s'en faut. C'est un peu comme le deuxième couplet de la Marseillaise : on se doute qu'il existe, mais quant à savoir ce qu'il dit...

Le discours de Martin Luther King Jr. est superbe. Il est écrit avec une passion forte mais douce. Il incite et n'oblige pas. Les mots coulent dans un anglais agréable (le discours est reproduit en VO et VF). C'est un discours d'espoir, de combat, mais aussi de pardon.

Celui de Ernest Renan, qui est un cours donné à la prestigieuse Sorbonne, est beaucoup plus sobre dans sa langue, mais très intéressant. Ecrit en 1882, même s'il est daté sur certains points, il est à la fois visionnaire (il prédit la seconde guerre mondiale, voire la première) mais surtout c'est un superbe recueil d'arguments mettant fin à tout le discours idiot sur les races et leur accolement artificiel à la notion de nation. Il y détruit par des arguments simples mais bien vus tout les discours inane qu'on peut entendre dans la bouche de notre extrême droite (voire moins extrême depuis la création d'un ministère précis).

L'autre livre que j'ai lu dans le métro hier (j'ai beaucoup pris le métro hier) est le récit, autobiographique, d'une étudiante poussée par ses difficultés financières à la prostitution. Le sujet est intéressant et nos politiques n'ont jamais cherché à résorber les causes du problème (chèreté des études, manque de places en Cité U, fourchette d'étudiants n'ayant ni revenu ni accès aux bourses, travail étudiant rare et mal payé, etc). Le livre raconte donc la spirale noire qui la fait descendre vers un travail qui la révolte elle-même et comment se déroule sa vie. Pour ceux qui se poseraient la question : non, ce livre n'est pas érotique pour un sou. Il est sordide. Cependant, même si la narratrice nous raconte son désespoir, le texte manque un peu de style et n'arrive jamais vraiment à rendre le coté sordide qu'elle déclare elle-même supporter (et je la crois aisément), ce qui nuit à l'impact du récit sur le lecteur, hélas. Un texte intéressant à la fin du livre est une mini étude sociologique sur ce milieu, qui montre l'ampleur du désastre : il semble qu'environ 40 000 étudiants, majoritairement des filles mais pas seulement, se prostituent pour pouvoir faire des études. Le chiffre, énorme, est effrayant. La facilité avec laquelle cela semble arriver est elle aussi effrayante.

Mes chères études - Etudiante, 19 ans, job alimentaire : prostituée, par Laura D.
chez Max Milo ou en poche chez J'ai Lu
ISBN : 978-2353410323

mardi 22 septembre 2009

Le faucon traître-mutant-commie

J'ai des amis qui ont de la classe. L'un d'entre eux m'a offert récemment une série de tout petit livres et parmi ceux-ci se trouvait un petit livre de l'éditeur Allia. J'avais déjà lu deux petits livres de cet éditeur. A chaque fois, des textes de qualité, courts mais bien traduits, dans un petit objet assez luxueux : papier ivoire, police et papier de qualités. Le tout à petit prix.

Mon cadeau était le suivant :
Dashiell Hammett - Interrogatoires aux éditions Allia
traduction de Nathalie Beunat
ISBN : 978-2-84485-315-8


Dans cet étonnant livret se trouvent les compte rendus de trois interrogatoires qu'a subi Dashiel Hammett, l'auteur des aventures du célèbre Sam Spade, considéré comme l'inventeur du genre "Noir". Nous avons tous vu "Le Faucon Maltais"... Les interrogatoires subis le sont à cause de ses sensibilités communistes, à la grande époque de la Red Scare et du McCarthysme. Les interrogatoires ont lieu entre 1951 et 1953 et dans chacun Hammett se réfugie derrière le 5ème amendement de la consitution américaine qui permet de ne pas répondre à une question si elle peut porter préjudice à celui qui répond. En effet, se déclarer communiste ou d'amitiés communistes, à une époque où la couleur de la culotte de Mickey (rouge, donc) était vue avec suspicion, pouvait poser beaucoup de problèmes à l'intéressé.
Même si Hammett ne répond toujours "Je refuse de répondre à cette question", les questions posées et l'attitude générale des interrogateurs présentent un paysage intéressant de ce que pouvaient être les procès McCarthystes : des chasses aux sorcières menées par d'incroyables paranoïaques fanatisés. Plus ou moins (n'exagérons rien non plus). Mais la peur du rouge régnait.
C'est dont un étrange petit recueil, offrant un intéressant instantané d'une époque particulière.

Le précédent que j'avais lu était :
La Conduite de la Guerre de William Langewiesche
aux éditions Allia
ISBN : 978-2-84485-282-3


Celui-ci est un témoignage étonnant sur le massacre de Haditha, en septembre 2005 en Irak. Il présente comment, suite à une mine qui fait exploser un tank dans un village, des militaires stressés et sous pression vont péter un plomb et faire un massacre dans un petit village. Là où le livre est intéressant, c'est qu'il ne s'agit pas d'un pamphlet sur les méchants soldats américains ou sur la vilaine guerre. Il s'agit d'un texte assez froid où personne n'est méchant ni gentil, et où ce qui est critiqué est le fonctionnement d'un soldat et les règles qui le régissent au jour le jour, avec un décalage par rapport à la réalité de la situation qu'il est en train de vivre.

Le dernier ouvrage de cet éditeur sur lequel j'avais posé mes yeux, était un livre de Noam Chomsky intitulé "Sur le contrôle de nos vies", qui dans mon souvenir était très intéressant mais dont j'ai tout oublié, hélas. C'était il y a trop longtemps.

bref, tout cela pour dire que cet éditeur a réussi à chaque fois à me surprendre avec des livres originaux et bien faits, à vil prix. Miam.

mardi 28 juillet 2009

Petit Frère Te Surveille !


En ces temps d'Hadopi 2, quoi de mieux pour se détendre sur les plages qu'un petit bouquin de SF assez bien vu où le gouvernement US met en place des mesures délirantes d'Orwellisme pour "protéger" ses citoyens ?

L'action de Little Brother se déroule à San Francisco environ 20 minutes dans notre futur (référence à Max Headroom, que vous ne pouvez avoir connu si vous avez moins de 20 ans et c'est dommage). Le héros et ses potes sont des gamins que je pourrais qualifier de "wired", c'est à dire de la web-generation. Ils sont bons en cours, ne sont pas spécialement des nerds voués aux gémonies, mais ils aiment la technologie de l'information et manipulent le net de manière assez poussée, préférant jouer à un jeu online que de suivre des cours un peu chiants.

Et un jour tout bascule : un attentat a lieu, le Department of Homeland Security prend la main pour protéger les braves citoyens des vilains terroristes dangereux en mettant en place des dispositifs de flicage extensifs qui ... existent probablement déjà pour la plupart (les quelques personnes qui suivent ce blog se rappelleront de mon billet sur les prix Orwell). Révolté par cette atteinte à la vie privée pour des résultats inutiles voire dangereux, ainsi que pour d'autres bonnes raisons, le héros va se servir du net et de tous les outils légalement disponibles pour lutter contre le bigbrotherisme gouvernemental. Comme répété de temps à autres dans ce blog : quis custodiat ipsos custodes ?

Même s'il est conçu pour des adolescents, ce petit roman se lit très rapidement, et est fort agréable, amusant et instructif. La plupart des technologies présentées existent ou sont à deux doigts d'être institutionnalisées. De plus, l'auteur explique de manière très claire comment elles fonctionnent ou comment les théories de la sécurité que nos politiques nous vendent sont du flutiau pour attardés, mais qui leur permettent de mettre en place, avec notre autorisation soumise, des technologies dont même Staline n'aurait pas rêvé.

Enlevé, entraînant et instructif... Manque-t-il quelque chose ? Pourquoi pas gratuit tant qu'on y est ? Eh bien oui. Il est gratuit. En effet, au même titre que l'excellent Accelerando, Cory Doctorow a mis son ouvrage en ligne, en licence Creative Commons Share Alike, qui autorise donc les gens à le télécharger, voire à la modifier, le réécrire, le changer et le distribuer (tant que cela reste gratuit et quelques autres limites). Dans ta face, Hadopi.

Little Brother
par Cory Doctorow
en anglais chez TOR
ISBN : 978-0765319852

Autres avis :
Paysage imaginaire: Little brother de Cory Doctorow
Little Brother de Cory Doctorow
Quoi de neuf sur ma pile ?: Don't trust anyone over 25...
Reflets de mes lectures: Little Brother
Little Brother de Cory Doctorow
Hugin&Munin : Little Brother

jeudi 28 mai 2009

William Gibson n'écrit plus de "cyberpunk"

Quand on regarde la société d'aujourd'hui, on peut se dire que William Gibson n'écrit pas du cyberpunk. Peu ou prou, il écrit des textes de légère anticipation depuis toujours. C'est une illusion, notre monde n'était pas ainsi dans les années 80, quand son Neuromancer fut enfin publié.

Où est-ce que je souhaite en venir ? Je souhaite ici faire remarquer que la partie "punk" du cyberpunk était une excellent vision des années 2000 puisque les différences sont pas si nombreuses entre notre monde de 2009 et celui envisagé dans Neuromancien /Comte Zero (je n'ai pas encore relu Mona Lisa s'Eclate).

Tout d'abord, faisons le tour de la partie "cyber". Si la technologie a énormément évolué en 20 ans, cette évolution ne s'est que partiellement faite dans le sens envisagé. Oui, on peut discuter avec la terre entière, oui les entreprises ont leur site, oui on peut acheter sur le réseau etc. En fait, mis à part l'aspect visuel de ce réseau et son fonctionnement premier pour le péquin moyen, les différences sont faibles. Au niveau "chrome, cyber et mullets", là ça a bien vieilli, car c'était une vision du futur inscrite dans les critères esthétiques du passé. Les membres cybernétiques n'existent pas encore, et pour les quelques éléments au point, ça tient plus de la prothèse que de l'augmentation. Toutefois, pour nuancer : les implants, du moins leurs fonctionnalités, existent bien. On a tous ou presque un téléphone portable qui nous sert de "puce mémoire" (inutile de mémoriser son répertoire) et de "dataconnect" (pour surfer sur la dernière connerie dailytube). Combien de personnes utilisent des oreillettes bluetooth ? Le GPS ? Faire ses courses sur le ouèbe ? Etc. Fascinant.

Là où c'est plus fort, c'est sur la partie "punk". Le cyberpunk a pour caractéristiques que la société deviendrait une immense corpocratie, avec des grands groupes ("megacorpos") plus puissantes que les gouvernements, qui feraient régner sans concurrence le libre marché, l'être humain n'étant plus qu'une ressource parfaitement jetable. Ces romans se centrent la plupart du temps sur des personnages interlopes, qui essaient désespérément de survivre dans un système qui les broie (à ne pas confondre, donc, avec le mouvement postcyberpunk où les personnages essaient de changer le système). Que constate-t-on aujourd'hui ? Que les êtres humains vivent dans un monde dirigés par les mégacorpos (lire mon billet précédent sur "Le Monde selon Monsanto") et qu'ils rentrent la tête entre les épaules en attendant des jours meilleurs, avec un fossé énorme entre les "riches" et le reste du monde. Fossé qui ne peut que s'agrandir. La pollution, les guerres "marketing/mediatique" et la marchandisation de la planète sont une conséquence évidente de ce qui précède... C'est donc vraiment ici, à l'aune d'aujourd'hui, que le mouvement cyberpunk est d'un visionnaire à couper le souffle. Les romans, les intrigues, peuvent avoir vieilli, mais cette vision du monde reste là.

Dans Comte Zero, on a des grandes corporations ayant d'énormes moyens de pression, et de violence. Les hommes à leur tête sont dénués de toutes considérations éthiques ou morales : seul l'objectif final les concerne et les hommes, ainsi que les gouvernements, ne sont que des outils.

Neuromancien, Comte Zero, Mona Lisa S'Eclate (le tout connu sous le nom de Sprawl Trilogy) de William Gibson
Chez Folio SF, J'ai Lu ou le Diable Vauvert

Les derniers romans de Gibson (Identification des Schémas et Code Source) ne sont plus situés que dans un futur extrêmement proche voire le présent.

Je me permets juste de pointer sur le site où j'ai pris l'image.

Petite anecdote : la célèbre première phrase de Neuromancien parle d'un "ciel couleur d'une télé branchée sur un canal mort". Neil Gaiman faisait remarquer qu'aujourd'hui, une télé branchée sur un canal mort présente un écran bleu roi.

mercredi 13 mai 2009

Linux Manua: Plan de Résistance anti-Hadopi ABCDEFUCK

Y'a des p'tits gars, l'idée de se faire fliquer en permanence et juger coupable à la naissance, ça leur met la haine. Alors ils devisent des moyens d'éviter ça.

En attendant une fiche de livre, vous pouvez toujours jeter un oeil sur leur Plan de Résistance anti-Hadopi ABCDEFUCK...

jeudi 7 mai 2009

Hugin & Munin: Blogosphere Fantasy - renforçons nos liens !

"Bloguiliaque" était une tentative désespérée d'obtenir un son agréable en partant de l'ignoble mot "blog" (dont la sonorité est vraiment repoussante).

Une de mes connaissances a eu l'agréable idée de proposer d'utiliser tant que faire se peut les liaisons diverses que l'on peut obtenir en usant correctement des liens URI (ou URL) que l'on peut coller un peu partout sur sa page. Bien que je ne traitât pas de fantasy, je me permets de faire un lien vers son idée qui est bien vue et à laquelle je ne puis qu'adhérer étant donné mon attachement à la diffusion de la culture, sous toutes ses formes.

Je parle de ça, là.

Et, en plus, je ne néglige pas de faire un jour des billets sur quelques ouvrages de science fiction ouvrant bien des horizons politiques et sociaux, ce qui signifie que la fantasy n'est pas aussi éloignée de mes préoccupations qu'on pourrait le croire. Le temps de finir le Gibson, là, et hop.

Messieurs les corbeaux, je vous salue bas.

mercredi 29 avril 2009

O Grande Malédiction d'Ouverture du Génie Modificateur...

Oui, c'est assez grandiloquent, mais une lecture récente, qui m'a prise un temps certain étant donné la densité du contenu, a fortement modifié mes perceptions environnementales sur un sujet que j'avais délaissé dans mon champ de détection des saloperies diverses qui nous menacent, à savoir les Organismes Génétiquement Modifiés. Il n'y a pas si longtemps, par méconnaissance du sujet, je pensais benoîtement que cette innovation technologique avait été testé dans tous les sens au sujet de son innocuité et que les instances qui nous protègent avaient fait leur boulot.

J'ai donc lu "Le Monde Selon Monsanto" en m'attendant à n'apprendre des choses que sur les vieilles saletés (Pyralène, Dioxine, etc.), sur un ton pamphlétaire.

Quelle erreur ! Et quelle claque !

Le livre est d'abord très froid. S'il y a bien parfois une phrase due à l'émotion de l'auteur, marquée par les faits qu'elle relate, il s'agit bien d'un compte rendu froid et factuel de tout ce qu'elle a pu découvrir en plusieurs années d'enquête. Et il faut bien dire que ce livre ne m'a pas laissé indifférent. J'étais tour à tour choqué, effondré, énervé, attristé, enragé par ce qui m'était froidement décrit. Le portrait dressé est effrayant. Le livre fermé, j'étais convaincu, et je me considère désormais comme anti-OGM. Il ne peut en être autrement : les faits sont là, clairs et définitifs ; on nous vend comme nourriture un poison enrobé de mensonges éhontés.

Le Monde Selon Monsanto
De la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien
par Marie-Monique Robin
aux éditions La Découverte/Arte
grand format - ISBN n°9-782-84734-466-0
en poche - ISBN n°9-782-70715-703-4

Pour ce que contient le livre, il s'agit globalement de l'histoire de l'entreprise vu par la lentille de tous les scandales qui l'ont entourée, année après année, avec des témoignages, des documents, des chiffres et des résultats. Il n'y a pas d'échappatoire, tout est décortiqué, établi, avec des sources tracées.

Le documentaire vidéo résume le livre mais le portrait est forcément moins détaillé et moins effrayant. Le livre est une somme dense et fournie, définitive. A tel point que j'en ai assez mal dormi par moments. Toutefois, si le livre vous décourage par sa taille et sa densité, jetez-vous sur le film, qui vous fournira une bonne base, un bon échantillon de la réalité sous-jacente.

Utilité au lecteur (de quelque bord que ce soit) :
  • Une vision des mensonges et dangers entourant les OGM ou ayant entouré toutes les horreurs qui les ont précédées (Pyralène, Dioxine, Désherbants, Agent Orange etc)
  • La démonstration effective d'un fonctionnement corpocrate : méthode, établissement, risques
  • Les dangers effrayants des OGM, qui ne se résument pas à la santé, mais aussi aux risques environnementaux et économiques qui les entourent (oui, il est parfaitement logique d'être de droite et anti-OGM)
  • Une lecture essentielle (j'en suis encore choqué aujourd'hui)

jeudi 9 avril 2009

Big Brother Awards : les résultats 2009 !

Je suis dans les temps, puisque mon billet sur les Big Brother Awards n'a précédé que de quelques temps la cérémonie 2009.

Pour les gagnants de cette année, suivez le lien : NOMINES ET GAGNANTS 2009

Cette liste de nominés et de gagnants permet d'avoir un joli panel de toutes les lois et actions diverses faisant atteinte à votre vie privée mises en place en 2008, et y'en a un paquet. Allez lire, c'est édifiant.

samedi 14 mars 2009

Grand Frère te surveille, c'est pour ton bien

En ces périodes de loi Hadopi, de rétention de sûreté, de vidéo surveillance, d'analyses ADN, comment ne pas causer un peu de Georges Orwell ? C'est d'autant plus d'actualité qu'à la fin de l'année dernière a paru un petit recueil de textes pour le moins essentiels du grand homme.

Orwell est surtout connu de par le monde pour son immense livre 1984, ainsi que pour La Ferme des animaux. 1984 est un ouvrage visionnaire, qui a inspiré énormément de livres, de films et d'ouvrages. Big Brother est devenu le cliché de la surveillance, au point de donner naissance, assez ironiquement, à un genre d'émission de télé proprement navrantes.

A Ma Guise - Chroniques 1943-1947
de Georges Orwell chez Agone
ISBN n° 978-2-7489-0083-5

Entre 1943 et 1947, Orwell va tenir une chronique hebdomadaire où il peut écrire sur ce qui lui chante, d'où le titre du recueil qui les rassemble. Le journal qui les publie, Tribune, est un journal de la gauche radicale britannique, où Orwell vient de rentrer en tant que directeur littéraire après un long séjour à la BBC qu'il a mal vécu. Il restera à Tribune jusqu'en 1945, mais continuera encore de publier sa chronique hebdomadaire jusqu'en 1947. Toutefois, la publication des textes est interrompue pendant de long mois vers 1946.

Puisqu'il a les coudées franches, Orwell y parle vraiment de tout ce qui lui passe par la tête : de rosiers, de V2, des nouvelles dans la littérature anglaises, de politique, etc. Ces nombreuses chroniques donnent, au travers des nombreux sujets couverts, une vision très étendue de la mentalité britannique dans les années qui ont suivi le Blitz, et du fonctionnement de la société. Qu'Orwell peste contre le déclin de la nouvelle, la difficulté de se procurer un produit ou qu'il encense un recueil de poésie, il crée un tableau pointilliste de cette société britannique calcifiée qui va grandement changer en quelques années.

Le plus intéressant est de voir dans ces multiples chroniques toutes les graines de 1984 : la structuration de la société, la surveillance, le va-t-en-guerre, la peur de l'autre, le stalinisme, etc. En donnant son opinion sur toutes sortes de sujet, Orwell nous donne les clefs de la compréhension de son plus célèbre roman.

Utilité au lecteur de gauche :
  • C'est un ouvrage essentiel pour comprendre Orwell et aborder 1984 avec le même oeil que son auteur
  • Il donne une vision lumineuse de la société anglaise pendant et juste après la seconde guerre mondiale
  • Il montre les fondements et le fonctionnement des luttes sociales anglaises de l'époque du point de vue de l'auteur
Et puisque je parle de toute cette surveillance moderne, c'est l'occasion de parler des Big Brother Awards, dont le rapport d'activité a paru l'an dernier. Quis custodiat ipsos custodes ? demandait ironiquement Juvenal. "Qui garde les gardiens ?" ou "Who watches the watchmen ?" puisque c'est là aussi d'actualité.
Ces dernières années ont vu l'arrivée à grande vitesse de nombreuses technologies et loi dédiées à la surveillance des êtres humains. Difficile de ne pas laisser traîner partout des petits cailloux blancs dans les fichiers informatiques de toute la société. La CNIL est de plus en plus un organisme relégué, ignoré, aux bases rongées au fur et à mesure des années.

"Je ne veux pas me faire ficher, estampiller, classer ou déclasser puis numéroter ! Ma vie m'appartient !" disait le n°6 (P. McGoohan) dans la série Le Prisonnier

Ce n'était pourtant que les années 60. Combien de fois sommes nous numérotés, entre la sécurité sociale, les identificateurs, le numéro de cartes d'identité ou de passeport, les numéros de compte en banque, l'adresse Mac de notre ordinateur, l'identificateur de notre passe Navigo ou que sais-je encore ? Il faut s'y faire, nous sommes des numéros. Et ce même sans parler du STIC, de EDVIRSP (ex EDVIGE) et autres fichages.

Big Brother Awards - Les Surveillants Surveillés
par l'équipe des Big Brother Awards chez Zones
ISBN n°978-2-35522-014-2

Les Big Brother Awards sont un jury qui, chaque année depuis 2000 décernent des prix à celles et ceux, personnes ou organismes, auront fait le plus avancer la société vers celle décrite dans 1984. Et il faut avouer qu'actuellement, avec un ministère dont le nom est carrément en novlangue, les frontières se "floutent" sévèrement.

Les prix Orwell sont remis par catégories :
- Ensemble de son oeuvre
- Etat et élus
- Entreprise
- Localités
- Novlang
- Prix Voltaire (qui, inversement, récompense ceux qui luttent contre ces dérives)
- parfois "Mention spéciale"

Le prix Orwell est une botte écrasant un visage, qui provient de la célèbre phrase d'Orwell sur sa vision de l'avenir (" Si vous voulez une image du futur, imaginez une botte écrasant un visage humain, pour toujours").

Le livre est un recueil d'articles sur les technologies et loi de surveillance, les activités de la CNIL, les raisons pour lesquelles M. Sarkozy ne peut plus être nominé à ce prix, les prix remis année par année et les raisons pour lesquelles ils ont été remis.

Le constat est effrayant. L'esprit ne ressors pas indemne de la vision de l'avenir que réclament à grands cris société, lobbies, politiques, élus. Jamais la série "Le Prisonnier" n'a été, finalement, une telle source d'inspiration pour imaginer l'avenir qu'on souhaite pour nous. L'écoeurement point assez vite, la colère et la rage aussi. Je vous invite à aller voir la liste des nominés année par année, qui indiquent les raisons des nominations. MKULTRA était le passé, un passé délirant. L'avenir est moins dément, mais tellement plus efficace, avec une approche tellement plus ... holistique.

"Unlike me, many of you have accepted the situation of your imprisonment, and will die here like rotten cabbages." - le N°6 (Contrairement à moi, beaucoup d'entre vous ont accepté leur emprisonnement et mourrons ici comme des choux pourris.)

Utilité au lecteur de gauche :
  • Ce livre donne un panorama des dérives sécuritaires de notre société. C'est un parfait résumé de tout ce qui a été tenté entre 2000 et 2007, et ça donne une vision de ced que l'avenir nous réserve si nous laissons faire.

Bonjour chez vous.

mardi 3 mars 2009

A combien estimez-vous votre cerveau ?

La question se pose sérieusement, depuis le fameux mot de Patrick Le Lay (alors PDG de TF1, 2004, in Les Dirigeants Face au Changement) : "(...) Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible." TF1 vendrait donc mon cerveau sans me fournir une part des bénéfs ? Ils diraient que leurs émissions sont le bénéf qui me revient. Sauf que j'ai pas la télé et qu'en ces temps de disettes, honnêtement, je préférerais de l'argent. Ah oui, mais mon cerveau n'est alors pas dispo, puisque les messages consuméristes ne me parviennent plus ?
Oh, ils me parviennent, ne nous inquiétons pas de ça. Rien que dans mon film préféré, Blade Runner, une publicité Coca Cola envahit l'image pendant un court moment. Court mais néanmoins présent. Si je touchais une thune à chaque panneau, placard, spot, logo ou autre qu'on me force à bouffer, je serais riche. Sur Internet, quand un cuistre me lasse, il me suffit d'un clic pour que plus jamais un de ses messages ne vienne salir mon écran. Il y a des moyens d'automatiser son mépris. Mais pas pour la publicité et le monde réel, et c'est bien dommage.
Heureusement, des trucs comme le TiVo, qui enregistrent les émissions et fardent la publicité sont une amélioration, mais ça n'ôte pas le placement de produit dans les films (entre autres).

"Il faut se dépêcher de passer d'une société tournée vers les choses à une société tournée vers les gens. Lorsque les machines et les ordinateurs, les bénéfices et les droits de propriété prennent plus d'importance que les êtres humains, on ne peut conquérir les triplés géants du racisme, du matérialisme et du militarisme."
- Martin Luther King Jr.

N'ayant pas, pas encore, lu le célèbre pamphlet de Naomi Klein, No Logo, j'ai rapidement lu le court ouvrage de Marie Bénilde sur les rapports malsains entre médias et publicité.

On achète bien les cerveaux. La publicité et les médias.
de Marie Bénilde chez Raisons d'Agir
ISBN n°972-2-912107-31-2

Ce livre est un court résumé des rapports entre la publicité et les médias. Des débuts de la publicité à sa mainmise sur la presse ou la télévision, en passant par le flicage des internautes afin de les étudier pour mieux les inonder de publicité. La publicité va jusqu'à récupérer les slogans de ses détracteurs pour vendre ses bêtises dont on n'a pas besoin, mais la formatation de la société pour ne faire de nous que le pinnacle de nos possessions est tel qu'ils peuvent se le permettre, nuisant à la critique même du sujet. Sans même parler de l'envahissement continu, qui salit nos murs, nos paysages, nos cerveaux (la bien jolie science du neuromarketing).

C'est donc un portrait d'une noirceur rare, auquel j'ai bien du mal à trouver des contre arguments afin de relativiser ce paysage de l'horreur à logo qui se dessine sous mes yeux.

Utilité au militant de gauche :
  • Ce livre résume l'évolution de l'hydre publicitaire et son envahissement de tout, partout
  • Ce livre évoque les luttes et les méthodes pour lutter qui ont servi, avec leurs résultats, mais en filigrane du texte
  • Ce livre rappelle toutes les atteintes à la personne, de toutes sorte, que représentent la publicité, chose immorale n'hésitant pas à utiliser les enfants
  • Ce livre rappelle aussi l'impuissance des forces politiques, qui se contentent éternellement de chartes, conventions et autres couenneries destinées à ne surtout pas légiférer pour mettre un terme définitif à certains comportements.
Allez, pour parler de choses plus joyeuses, je suis tombé chez mon petit libraire indépendant favori sur un petit recueil ma foi bien joli de citations de Martin Luther King Jr. d'où provient la citation qui orne ce message. Je cherchais un recueil de ses discours et sermons, mais ce n'est que partie remise.

Rêver : inspirations et paroles de Martin Luther King, Jr.
aux éditions Acropole
ISBN n°978-2-7357-0279-4

En attendant, ce livre permet d'entrevoir le grand homme qu'il était. Ces quelques formules, extraits, de ses nombreux sermons et discours ne sont pas que relatives à la lutte pour les droits civiques des Noirs aux Etats Unis. Cet ouvrage montre le grand humaniste, empreint d'une vision claire de ce que doit être le rapport entre les hommes.
Ce trop court opuscule, joliment présenté, ne m'a donné que plus envie de mettre la main sur un recueil de textes complets.

Utilité au militant de gauche : ce livre permet de ne pas oublier qu'une société, c'est avant tout des hommes, que tout ce qui fonde cette société devrait être au service des hommes et non l'inverse, quelle que soit leur origine, couleur de peau, langage, situation sociale, ou autre.

samedi 28 février 2009

La Vague

Un très court billet pour signaler la sortie ce mercredi 4 mars 2009 au cinéma de l'adaptation cinématographique du livre de Todd Strasser commenté dans le billet précédent. Une fois n'est pas coutume : si vous n'avez pas envie de lire, vous pouvez toujours voir le film.

Rappelons vite fait de quoi il s'agit : un professeur d'histoire contemporaine dans une université californienne va tenter d'expliquer la montée de l'acceptation d'une idéologie par l'exemple.

C'est une histoire vraie, qui a eu lieu en 1964.

Le film est allemand (Die Welle).
Bande annonce en français :
http://www.youtube.com/watch?v=SAr3dxvWRz4

mardi 3 février 2009

La pression des pairs n'est pas une nouvelle vague

Je profite d'une sortie BD récente pour évoquer trois expériences sociologiques célèbres qui ont pu donner une image assez particulière de l'humanité et de la notion de "pression des pairs" ou de l'autorité. Ces trois expériences "limites" sur la psychologie humaine proviennent toutes d'une volonté de comprendre ce qui s'était passé durant la seconde guerre mondiale. Elles ont toutes dépassé de manière dangereuse le cadre de l'expérimentation et ouvert une fenêtre sordide autant qu'inquiétante sur la noirceur humaine.

La troisième vague
Il s'agit d'une expérience menée en 1967 par un professeur de l'université de Palo Alto en Californie. L'expérience fut très peu documentée à l'exception de quelques articles dans le journal de l'école et du compte rendu écrit par le professeur, des années plus tard.
Cette expérience a été adaptée en roman par Todd Strasser, mais aussi en film (Die Welle).

La Vague
de Todd Strasser
roman (poche) : ISBN n°978-2266185691 chez Pocket
BD : ISBN n°978-2-35013-156-6 chez JC Gawsewitch
Sur wikipedia

Ne pouvant arriver à expliquer comment les allemands ont pu laisser les nazis arriver au pouvoir et mettre en place l'horrible "Solution Finale", il décide de mener une petite expérience.
Il met en place une discipline de fer dans sa classe, puis des exercices physiques, une devise, le tout sous l'excuse de l'hygiène de vie, de l'amélioration personnelle et du bien commun. Petit à petit, son système recopie le nazisme, avec salut, devise, etc. Et l'expérience lui a échappé des mains. Les élèves ont parfaitement suivi l'exemple, avec culte du leader, menace et violences sur les opposants, etc. en seulement une semaine !
Les élèves étaient devenus les parfaits petits drones qu'ils détestaient seulement une semaine auparavant. Le professeur le leur fit réaliser le dernier jour, mettant fin à l'expérience d'une manière explicite avant que la situation ne dégénère.

Soumission à l'autorité - Expérience deMilgram
Une autre expérience qui fait peur, celle de Stanley Milgram. Si vous pouvez vous le procurer, elle est reproduite visuellement dans le film I... Comme Icare, un agréable film sur l'assassinat de J.F. Kennedy (ce qui n'a que peu de rapport avec ce qui nous occuppe ici).

Soumission à l'autorité
de Stanley Milgram
chez Calmann Levy
ISBN n°978-2702104576
Sur Wikipedia

L'expérience de Milgram (1963) est très simple ainsi que très documentée, car elle fut reproduite de nombreuses fois dans de nombreux pays : un scientifique en blouse blanche accueille deux personnes qui ont été recrutées pour une expérience sur la mémoire (ou autre, peu importe). Un tirage au sort a lieu pour les départager : l'un sera le "professeur", l'autre l' "élève".
Toutefois, le tirage au sort est truqué, et l'un des deux recrutés n'est qu'un acteur. Une seule personne est étudiée lors de l'expérience et sera, par truquage du tirage au sort, le "professeur".
L' "élève" s'assied sur une siège et le "scientifique" met sur lui des électrodes. Le "professeur", quant à lui, s'assied à un pupitre de commande, dont les leviers envoient des décharges électriques à l' "élève".
L' "élève" ne reçoit pas réellement les décharges, mais il les simule pour que le "professeur" y croie.
La question de l'expérience est : si on en donne l'ordre au "professeur", ce dernier ira-t-il jusqu'à "tuer" l' "élève" ?
La réponse, donnée par l'expérience est, hélas, oui. Dans la très grande majorité des cas. Les variations de l'expérience donne des résultats très similaires confirmant l'idée que les gens se soumettent facilement à ce qu'ils reconnaissent comme l'autorité s'ils ressentent qu'ils sont ainsi déchargés de leur responsabilité...

Effet Lucifer - Expérience de Stanford
Réalisée en 1971, cette expérience est à rapprocher des deux précédentes. Elle est plutôt bien documentée, mais ne fut jamais reproduite (sauf par la BBC comme émission de téléréalité). En l'occurence, on a ici choisi des sujets considérés comme particulièrement stables et peu dangereux, de peur d'avoir des débordements. Par tirage au sort, les sujets se sont retrouvés soit gardiens, soit prisonniers.

The Lucifer Effect
par Philip Zimbardo
ISBN n°978-1846041037
Sur wikipedia

Wikipedia raconte d'ailleurs la suite mieux que je ne pourrais le faire :

Les prisonniers et les gardes se sont rapidement adaptés aux rôles qu'on leur avait assignés, dépassant les limites de ce qui avait été prévu et conduisant à des situations réellement dangereuses et psychologiquement dommageables. L'une des conclusions de l'étude est qu'un tiers des gardiens fit preuve de comportements sadiques, tandis que de nombreux prisonniers furent traumatisés émotionnellement, deux d'entre eux ayant même dû être retirés de l'expérience avant la fin.

Malgré la dégradation des conditions et la perte de contrôle de l'expérience, une seule personne parmi les cinquante participants directs et indirect de l'étude s'opposa à la poursuite de l'expérience pour des raisons morales. C'est grâce à celle-ci que le professeur Zimbardo prit conscience de la situation et fit arrêter l'expérience au bout de cinq jours, au lieu des deux semaines initialement prévues.

5 jours. Seulement cinq jours pour transformer des êtres humains en bourreaux.

Utilité au militant de gauche :
Ces livres sont à mon humble avis utiles à tous, quel que soit le bord. Ils expliquent très bien comment une population peut se laisser glisser de manière très simple dans l'obéissance absolue et aveugle, le respect des règles qu'on leur a données en se dépouillant de ce qui fait d'un homme (ou d'une femme) un être humain.
Ces scientifiques ont mis l'âme d'un groupe d'humains sous un microscope et l'ont regardée avec attention, jusqu'à ce que le dégoût ne vienne mettre fin à l'expérience. Mais il serait trop facile de rejeter la faute sur le groupe : l'expérience de Milgram montre notre coté veule et soumis, et ce individuellement.
Une fois ces livres lus, le célèbre roman de Robert Merle, La Mort est mon métier, n'en devient que plus effrayant, plus atroce, plus ... humain.

Toutefois, attention : ces expériences sont très controversées et la généralisation de leurs conclusions est sujette à caution. Les événements ont bien eu lieu, mais la non reproduction des expériences (à l'exception de celle de Milgram) sauf de façon assez petite, rend ardue la généralisation de ce qui s'est produit.

Il en parle aussi :
La Vague de Todd Strasser

dimanche 18 janvier 2009

Le Manifeste de Unabomber

Je ne peux pas parler seulement de textes et d'ouvrages m'ayant plu. Je lis aussi des textes qui me déplaisent et ce sur une base hélas trop régulière. Ici, il s'agit d'un texte célèbre aux Etats-Unis quand il a connu son heure de gloire, mais relativement oublié aujourd'hui.

Son auteur s'appelle Theodore Kaczynski Ph. D. , mais il est plus connu sous le nom de Unabomber : ce type, professeur de math en université, a un jour craqué et commencé à laisser traîner des bombes sur les parkings d'aéroports et d'universités (UNinversity Airport bomber). Un total de 16 bombes pour 3 morts et une vingtaine de blessés. Une personne peu recommendable. Le FBI l'attrappa, après 17 ans de méfaits, lorsque son frère découvrit par hasard que Ted était Unabomber.

Ce type est dangereux et malsain, ne faites pas comme lui et ce blog ne soutient absolument aucune de ses actions qui sont démentes et criminelles, ainsi que condamnables. Cet avertissement était nécessaire, merci.

Tant qu'il était en cavale, il a utilisé la terreur pour faire publier un texte de 35 000 mots dans deux journaux américains : le Washington Post et le New York Times en 1995.

Industrial Society And Its Future (De la société industrielle et de son futur)
par Théodore "Unabomber" Kaczynski
En français : http://lanredec.free.fr/polis/UnabomberManifesto_tr.html
En anglais : http://en.wikisource.org/wiki/Industrial_Society_and_Its_Future

Ce texte relativement décousu est un manifeste néo-luddite voire anarcho-primitiviste. Les tenants du néo-luddisme soutiennent que les avancées technologiques sont désormais mauvaise pour la condition humaine. La date de l'inversion de la notion de progrès change en fonction du néo-luddite. L'anarcho-primitivisme est une attitude différente du néo-luddisme en cela que les anarcho-primitiviste pensent que la notion de civilisation est indissociable des notions d'aliénation de la personne que rejettent les anarchistes et prône donc le retour à une attitude primitive. Il s'agit d'une branche "dure" de l'anarchisme. Ayant ici déjà parlé des diverses formes de l'anarchisme, il y manquait cette variante-là (il en manque d'autres).

Le manifeste de Unabomber considère donc et déploie un argumentaire à l'encontre de la société industrielle, en lui proposant un futur apocalyptique d'aliénation de l'homme. Si le sujet et la conclusion peuvent être étudié, la construction argumentaire utilisée par l'auteur est fortement discutable. Le texte s'ouvre même sur la pétition de principe déclarant que la révolution industrielle avait été un désastre pour la race humaine.

Pour résumer, l'idée est que l'avancée technologique aura des conséquences non prévues pour les humains et que la sphère des libertés individuelles réduira comme peau de chagrin. Il en tire la conclusion qu'il ne faut pas perdre de temps et mettre fin à tout cela avant que les événements menant à l'avènement de Skynet (Terminator) ou de la Matrice (Matrix) n'aient lieu. Je caricature, mais seulement de manière très légère.

Si de grandes parties du texte relèvent, pour moi, du délirant ou du malsain, le fait est qu'à l'heure actuelle de nombreuses technologies se développent qui pourraient mettre en danger les libertés individuelles : drones de police, puces RFID, etc.

De mon point de vue, ce texte n'est intéressant que du fait de ses conditions de publication et de son auteur. On trouvera la même réflexion, mieux argumentée et moins délirante chez de nombreux autres auteurs, qu'il s'agisse d'études ou de science fiction : Fight Club, Le Meilleur des mondes, Matrix, etc. Ca ne manque pas. Autant faire l'impasse sur le manifeste, dont les quelques éléments intéressants sont repris de meilleure manière ailleurs, voir à ce sujet l'article de Wired.

De Kaczynski, on pourra toujours se pencher sur

Ship of Fools (La Nef des fous)
En anglais : http://www.sacredfools.org/CrimeScene/CaseFiles/S2/ShipOfFoolsStory.htm
En français : Nef des fous
En pièce de théatre : http://www.sacredfools.org/CrimeScene/CaseFiles/S2/ShipOfFools.htm
etc.

Il s'agit d'une fable racontant l'histoire d'un navire se dirigeant vers un désastre assuré. On s'en rend compte, mais l'équipage est tellement focalisé sur ses petits besoins immédiats que le capitaine détourne leur attention du grand malheur à venir en leur accordant leurs petits besoins mesquins.

mardi 13 janvier 2009

De l'échange de biens abondants

Tiens, je vais parler d'un texte encore plus court et encore plus obscur, et pourtant extrêmement intéressant, dont le sujet est un sujet clef en ces temps où l'information est une denrée dont le système de vente alimente les conversations. En effet, pour ceux qui s'intéressent un peu à l'informatique (et lire un blog tel qu'icelui est déjà un indice), vous n'ignorez pas toutes les fortes discussions concernant l'achat et la vente de culture numérisée : livres, musique, films, la liste est longue.

Une des notions clef autour de cette histoire est la rémunération de l'auteur mais surtout de ses intermédiaires car c'est surtout eux qui ont le plus à y perdre dans l'affaire.

Une autre des notions clef est la nature même du dit bien. Une musique, un film ou tout autre élément culturel est une information, une donnée. Notre économie est conçue, justement, autour de la notion d'économie. Oh la belle lapalissade. En fait pas vraiment. L'économie est la science de l'échange de biens basée sur la notion de rareté de ces biens. Plus un bien est rare et/ou demandé plus il est cher. Mais cette notion ne s'applique qu'à des biens finis. Par exemple : j'ai un bonbon, je donne ce bonbon, j'ai plus mon bonbon.
Dans le cadre de l'information, ce n'est plus vrai, car il s'agit d'un bien transfini. Par exemple : j'ai un renseignement, je donne ce renseignement, je n'ai pas pour autant un renseignement en moins. Je pourrai à nouveau donner (ou vendre) ce renseignement.
Ce bien est donc abondant une fois réalisé la première fois.

C'est là où la tentative d'appliquer la notion d'économie à ce genre de biens est viciée, car on se retrouve avec des noeuds à la tête pour tenter d'expliquer en quoi il est rare pour y appliquer les règles de l'économie. Et le seul moyen de le faire se trouve dans les biens connexes à mon information : production, transport, distribution. Mais pas au bien lui-même.

Or, un mp3, un divx, un logiciel libre, par le biais du net, n'a plus aucun des biens connexes, à part la plateforme de distribution (mais le P2P enlève cette notion) et le travail de l'auteur et de ses comparses, comme par exemple, l'équipe de tournage et de montage du film. Le réalisateur n'est pas le seul auteur d'un film. Donc la notion d'économie ne parvient plus à s'appliquer qu'à la phase de création du bien. Après, le bien est transfini. D'où tout la complexification, souvent biaisée, parfois abusive, de ce sujet. Alors que le problème est simple : ces biens sont transfinis, l'économie va donc avoir du mal à s'appliquer.

Tout ceci est expliqué dans un court essai, hélas en anglais (lien direct sur le titre) :
Agalmics : the marginalization of scarcity
par Robert Levin

C'est dans cet essai que l'auteur met en avant la notion d'agalmique, c'est à dire les règles gouvernant l'échange de biens abondants. L'inverse exact de l'économie. A partir de cette notion, des personnes douées dans le domaine de l'économie (hi hi) pourraient, peut être, réfléchir à une vraie solution pour gérer les biens transfinis d'une manière plus satisfaisante que les solutions proposées jusqu'ici, que je n'hésiterais pas à qualifier de décevantes. L'important étant de tenir compte de la nature même du bien.

A priori, on pourrait croire que ça ne s'applique qu'à l'information, mais si j'en crois les auteurs de science fiction, notre vie actuelle ne restera pas similaire pour toujours. Et parmi les éventualités proposées par ces auteurs, deux s'avéreront nécessiter l'agalmique plus que tout :
  • Dans le cas où on crée des "imprimantes à matière", c'est à dire une imprimante capable de fabriquer un canapé comme une lampe à partir d'un schéma téléchargé sur Internet, tout bien devient transfini. L'économie devient une notion obsolète
  • Dans le cas où l'humanité s'uploaderait dans un ordinateur géant, la notion d'économie n'aurait plus de sens.
Bien sûr, ces exemples sont purement science-fictionnels (ou dans un futur extrêmement lointain). C'était pour dire que non, les règles de l'économie ne sont pas "naturelles", ni "éternelles". La notion même d'économie n'est pas "éternelle" et est technologiquement dépassable. C'est juste que ce dépassement est extrêmement lointain.

Tout cela dépasse mon propos. L'idée était de signaler que la notion d'économie elle-même, à la base et dès aujourd'hui, s'applique mal aux biens informationnels.

Utilité au lecteur de gauche :
  • s'ouvrir un peu l'esprit à des possibilités nouvelles, surtout face aux nouvelles technologies
  • alimenter et étendre la réflexion sur la notion même d'échange des biens
Edition : on notera que l'album qui s'est le mieux vendu sur la plateforme Internet en 2008 est un album aussi distribué gratuitement, "Ghost I-IV" de Nine Inch Nails, qui a rapporté plus d'un million de dollars la première semaine à son auteur.

vendredi 2 janvier 2009

Taz, ce n'est pas que chez la Warner Bros

Pour continuer la célébration du bicentenaire de la naissance de Proudhon, une autre de mes lectures récentes est un livre de Hakim Bey intitulé "T.A.Z.". Oui, en ce moment, je suis plutôt sur des livres courts, et cet opus de Bey recueille la traduction de l'une des trois parties d'un livre plus fourni de l'auteur. Cependant, le concept des Temporary Autonomous Zones est un des concepts clef de la pensée de Bey (de ce que j'en sais, du moins, c'est-à-dire pas grand chose hélas).

Hakim Bey, de son vrai nom Peter Lamborn Wilson, est un personnage controversé chez les anars, car il propose un anarchisme si individualiste qu'il en devient apolitique (merci wikipedia). Bref, je ne connaissais que le nom de cet homme là, j'ai donc profité d'une vitrine de librairie achalandée pour découvrir que ses textes étaient traduits en français et à prix raisonnable. Soit.

T.A.Z. Zone Autonome Temporaire
de Hakim Bey
chez L'Eclat
ISBN : 978-2-84162-020-3

Comme son nom l'indique, Bey décrit dans ce livre, sans le définir car il juge que la définition se déduit naturellement de l'exemple, son concept de zone autonome temporaire (TAZ pour Temporary Autonomous Zone). Il s'agit d'une zone située dans le temps et l'espace où les philosophies libertaires s'appliquent de fait. Une sorte de paradis anarchiste discret, au sens mathématique, car spontané et temporaire.

En fait, ces T.A.Z. sont nombreuses. Un dîner est une T.A.Z. car il n'y a pas de lois, pas de hiérarchies : les interactions entre les convives ne sont dictées que par la propre éthique de chacun d'entre eux, dans une culture de politesse et de manières. Une flash mob ou certains festivaux (burning man, raves) sont aussi des T.A.Z. Certains lieux d'échange sur Internet sont des T.A.Z. (attention, le texte est assez ancien, donc la vision du web présentée date des débuts de l'Internet).

Le livre est l'étude de ces T.A.Z. au travers d'exemples historiques multiples, de l'utopie pirate jusqu'à l'Espagne anarchiste en passant par Makhno.

Utilité au lecteur de gauche :
  • La T.A.Z. permet de voir l'anarchisme en action et de découvrir des anarchies fonctionnelles sur des espaces discrets.
  • Le livre fait un petit récapitulatif d'exemples pratiques, mais c'est bien tout.