mercredi 29 décembre 2010

Une saine indignation à un prix modique

Il paraît qu'on en parle partout. Je n'en sais rien. Pourtant, je ne fuis pas les médias (j'ai pas loin de 70 flux RSS de médias divers dans mon aggrégateur) juste la télévision, que je ne possède pas. Bref, j'ai donné trois roupies à la marchande en l'échange d'un exemplaire de "Indignez-vous !". C'est seulement rentré au foyer que l'un de mes parents me dit "ah tiens, tu l'as acheté ? On en parle partout."
Bon, moi qui croyait être tombé sur un petit opuscule méconnu, c'est loupé. En même temps, je me fiche de la célébrité du dit opuscule. L'essentiel, c'est qu'il soit bon. Alors, l'est-il ? Et de quoi parle-t-il ?



L'auteur, Stéphane Hessel, n'est pas un inconnu. Il fait partie de la poignée de résistants actifs encore en vie. Diplomate, ambassadeur, poète et l'un des rédacteurs de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Excusez du peu. Les mots me manquent pour témoigner du respect que ce monsieur m'inspire.

Récemment, donc, il a rédigé Indignez-vous ! qui est une sorte de lettre ouverte aux français, ou mieux, à tous, qui, à l'heure actuelle, ne réagit plus vraiment aux horreurs qu'elle voit ou qu'elle subit. Qu'elle voit, surtout, via une société médiatisée omniprésente. Le titre, c'est un cri du coeur, le contenu, c'est un encouragement à sortir de l'acceptation muette. Un encouragement à réagir. Une explication, aussi, de ce qui a fait de M. Hessel l'homme qu'il est, de ce qui le meut. Et ça, c'est justement une indignation franche, digne, rageuse, qui le prend aux tripes et qui le fait avancer, aujourd'hui encore, après 93 années de luttes. Presque un siècle, à peine plus jeune que le code du travail originel (celui qui ne fut pas charcuté).

Oui, aujourd'hui, on oublie souvent de s'indigner. Plus qu'un bol d'air frais, ce livre est un verre d'eau froide à la gueule, pour se réveiller. A lire !

Indignez-vous ! de Stéphane Hessel
chez Indigène Editions
ISBN n°978-2-911939-76-1

lundi 20 décembre 2010

Le dernier bouquin de l'année

Pour cette fin d'année, un billet sur un livre un peu déprimant. Malcolm Beith est un pigiste qui a essayé d'approcher le plus célèbre des chefs de cartel en activité, à savoir Joaquin Guzman, dit "El Chapo", et il dresse dans ce livre l'historique de la montée en puissance des cartels mexicains, de leurs guerres internes, de la guerre avec les gouvernements mexicains et américains, et de l'effet général de tout cela sur la population.

Et cet historique est triste. Et violent. Triste parce que, au global, le combat semble sans issue et perdu d'avance. La quantité d'argent en jeu est si phénoménale que les cartels ont les moyens de s'offrir cent fois les hommes politiques et les politiciens dont ils ont besoin pour se protéger de la loi. Et si vient un type décidé à tenir son serment, il finira le corps criblé de balles ou découpé en morceaux après quelques maigres victoires : la guerre contre la drogue a fait des dizaines de milliers de morts au Mexique. Corruption à tous les étages, démission générale, population soutenant parfois les criminels, le tableau est d'une noirceur de charbon. Ce qui ressort le plus de tout cela, c'est le pouvoir de l'argent, et de sentir qu'avec des chèques assez gros et nombreux le même drame pourrait survenir dans n'importe quel pays.


En termes d'écriture, si le livre est intéressant et bien écrit, il reste aussi anecdotique, dans le sens où le contenu manque de chiffres et de traitement en profondeur. Ce qui le rend certes facile à lire, mais il aurait été intéressant d'avoir plus d'information sur les actions  gouvernementales mexicaines et américaines, qui ne sont traités, hélas, que d'une manière finalement légère donnant l'impression d'un poulet sans tête, qui court à l'aveuglette en attendant de s'effondrer. Or, malgré la corruption à grande échelle, la vision d'ensemble existe. D'ailleurs, certains acteurs envisageant des choses à grande échelle sont présentés, mais toujours via l'anecdote. C'est un peu dommage, donnant un aperçu des choses par petites touches concentriques plutôt qu'une grande fresque. Un autre petit reproche, c'est le sentiment d'une légère fascination de l'auteur pour Guzman, mais cela reste léger.

Un livre intéressant, aux informations récentes (début 2010) qui mérite d'être lu, mais qui mériterait d'être accompagné d'un ouvrage plus dense. En même temps, je réclame, je réclame, mais je suis pas sûr que j'aurais eu le courage de lire un ouvrage dense sur le même sujet, hihihi.

The Last Narco par Malcolm Beith (blog)
en anglais chez Penguin
ISBN n°9780141048390

mardi 14 décembre 2010

Censure à la con et Loppsi 2 : mailez vos députés

Avaaz.org a mis en place un système permettant d'alerter ses députés. Je sais pas si spammer les boîtes des députés est une bonne idée in fine, mais le lien est là, au bout du texte repris de Avaaz :


REFUSONS LA 

CENSURE D'INTERNET

Dans les prochaines heures, les députés français vont adopter les premiers articles d'une nouvelle loi répressive sur la sécurité qui instaurent une censure consistant à filtrer des sites internet -- une attaque dangereuse contre notre libertés démocratiques fondamentales.

Ceux qui défendent ces mesures prétendent qu’elles aideront à lutter contre la pédopornographie -- mais des groupes de citoyens et de lutte contre la pornographie infantile ont dénoncé la loi en indiquant qu’au contraire elle contribuerait à aggraver le trafic sexuel des enfants.

Nos députés ont 24 heures pour rejeter cette mauvaise proposition -- si nous soulevons une vague massive de pression citoyenne partout en France, nous pourrons obtenir un vote allant dans le bon sens et protéger notre démocratie. Envoyez un message urgent!

lundi 8 novembre 2010

Sur la désobéissance civile - manuel & interview

 J'avais promis un billet sur la désobéissance civile, le voici donc.

Le concept de désobéissance civile n'est pas nouveau. En effet, Thoreau, Gandhi, Martin Luther King en ont été les pionniers, désobéissant à l'autorité, de manière civile (à prendre au sens de "courtois", "pacifique", "civilisé",...). Greenpeace, Sortir du Nucléaire, les Faucheurs Volontaires, Casseurs de Pubs, etc. sont des associations qui pratiquent la désobéissance civile. En gros : ils connaissent la loi et pour faire avancer leurs idées, ils vont braver cette loi, quitte à en subir les conséquences, tout en tentant de mettre l'opinion publique de leur coté.

C'est quelque chose d'extrêmement difficile, d'extrêmement courageux. Il ne faut pas croire, cependant, que tout leur réussit ou que seuls des gens "bien" pratiquent ce type d'action (j'en veux pour exemple les "désobéissants fiscaux", brrrr !).

Certains ont beaucoup pratiqué la désobéissance civile et sont capables d'organiser des actions impressionnantes. Afin de partager la longue expérience acquise dans toutes ces actions, l'un d'entre eux a rédigé un manuel clair et concis pour apprendre à entreprendre correctement ce genre d'actions. Et c'est donc le :


Petit Manuel De Désobéissance Civile A L'Usage De Ceux Qui Veulent Vraiment Changer Le Monde de Xavier Renou
chez Syllepse
ISBN n°978-2-84950-232-7

Ce tout petit ouvrage contient tout ce qu'il est nécessaire de connaître pour :
- comprendre la notion de désobéissance civile
- comment organiser une action de ce genre
- comment contrôler et organiser le déroulement de l'action
- comment gérer l'après (opinion publique, médias, éventuellement prison)
Le tout en gardant à l'esprit que le but est quand même d'obtenir des résultats (directs ou indirects via l'opinion publique). Un très bon petit manuel. D'ailleurs, les quelques rolistes qui me lisent devraient eux aussi le lire, dans l'idée de concevoir des scénarios pour leurs jeux contemporains.


L'auteur organise parallèlement des stages de formation à la désobéissance civile, un peu partout en France
~=o0o=~
Et j'ai une surprise.

Mon billet sur le nudisme et l'anarchisme avait été pas mal lu et, dans le cadre de la thématique sur la désobéissance civile, j'en ai profité pour contacter les gens de l'APNEL, l'Association pour la Promotion du Naturisme En Liberté.
Les gens de l'APNEL pratiquent la désobéissance civile puisque, d'une manière absolument civile, ils choisissent délibérément de désobéir à la loi (plus exactement à une certaine lecture de la loi) en organisant des actions, telles que les "randonues" : des randonnées en pleine nature, nus. Je les ai contactés pour une interview dont voici le compte rendu (ne possédant pas de dictaphone, il s'agit de la retranscription de mes notes dans un simple cahier, on m'excusera donc pour leur coté pèle-mêle).

Cet entretien a été réalisée par mail ainsi que lors d'une randonue à l'orée de Fontainebleau, dans les bruyères en fleur d'un coin isolé à deux pas du GR1. Lors de mon contact avec l'APNEL, Jacques & Sylvie m'ont gentiment invité à participer à un bivouac et randonnée naturistes. Je n'avais guère pratiqué que sur quelques plages, mais je suis quelqu'un de curieux qui aime expérimenter les choses dont il parle, aussi ai-je volontiers accepté le baptême proposé.
C'est ainsi que par un superbe samedi d'août en milieu d'après midi j'ai tombé mon short, non sans appréhension, au milieu de la nature, avec 8 autres personnes. Nous étions 4 hommes, 4 femmes et un enfant, la parité était donc respectée. Nous avons marché sur un petit chemin au milieu des arbres et des bruyères, avant de nous poser dans une clairière de sable fin. La lune presque pleine (gibbeuse, donc) éclairait comme un phare la bruyère en fleurs tandis que nous devisions autour de la lampe à acétylène.
Cette expérience, ma foi agréable, m'a permis de répondre beaucoup de questions que je me posais sur le naturisme mais il faut bien comprendre qu'au bout de dix minutes la nudité de tous est une information finalement complètement secondaire.  On n'y prête rapidement plus attention, reste surtout la balade...



Je ne me pense cependant pas prêt à baguenauder ainsi régulièrement : j'ai encore des réticences personnelles, même si tout s'est très bien passé et dans une ambiance sympathique. En tout cas je comprends à présent très clairement ce que recouvre l'expression "banalisation de la nudité" : en effet, au bout de dix minutes, on s'en fiche. Et on fait une jolie randonnée dans un coin sympa. Pourquoi faire tout un fromage de quelques bouts de tissu ?

Mise à jour mai 2011 : l'interview a été reproduite dans le magazine en ligne des naturistes québécois dont le numéro est consultable au bout de ce lien.

lundi 16 août 2010

Les jours heureux avec un peu de pluie

Avec ce temps d'automne, on reste au chaud, un chocolat à la main, un livre dans l'autre, la fenêtre ouverte pour écouter la pluie tomber. Ou alors c'est juste moi. Toujours est-il que faute d'aller profiter du soleil, ce genre de temps me pousse vaguement à la morosité et j'en profite pour finir des lectures entamées y'a un moment.
Le titre va d'ailleurs bien avec le temps, quand j'y songe...

L'association "Citoyens Résistants d'Hier et d'Aujourd'hui", excédée devant la récupération politique faite par le gouvernement actuel de l'"imagerie" résistante d'une main tout en broyant les accomplissements de cette même résistance de l'autre, a décidé de rédiger un ouvrage sur le programme du Conseil National de la Résistance. Dans le sous-titre, l'objectif annoncé est clair : "Le programme du Conseil National de la Résistance de mars 1944 : comment il a été écrit et mis en œuvre, et comment Sarkozy accélère sa démolition." On peut difficilement faire plus clair comme thèse. Néanmoins, le contenu est hautement intéressant.
Bon, il va de soi que quand, comme moi, on a du mal avec les actions gouvernementales actuelles, le cerveau reçoit son petit 'fix' de 'je lis un truc en accord avec mes opinions' (ne riez pas, ce fut prouvé). Mais j'ai découvert aussi énormément de choses, à commencer par le programme du CNR.



La première partie du livre est en effet consacré à ce programme. Son contenu, d'une part, incroyablement visionnaire, humaniste et moderne. Quelque chose que, décidément, il faut avoir lu. Et, d'autre part, l'histoire de la rédaction de ce programme, car il a été écrit en pleine occupation, période répressive dure. Il a été écrit par un ensemble de gens aux opinions pas toujours très compatibles. Il a été écrit, enfin, avec à coeur les citoyens. Un peu comme le Bill of Right américain, que je trouve lui aussi incroyablement 'juste' encore aujourd'hui (bon, on peut en discuter autour d'une bière un jour).
Mais, le pire, du moins aux yeux des politicards actuels, c'est que ces promesses, ben ces mecs là les ont tenues ! Ça vous la coupe, hein, des politiciens qui tiennent leurs promesses ! Moi oui, en tout cas.
Le programme du CNR est donc divisé en deux parties. L'une, souvent oubliée aujourd'hui, consiste à déclarer ce que les membres du CNR vont faire pour libérer la France. L'autre, ce qu'ils vont faire une fois la guerre gagnée. Car aucune autre issue n'est envisageable. Cette partie historique est particulièrement émouvante, forte.

La suite du livre est inégale, mais néanmoins intéressante. Il s'agit de décrire comment chaque grande idée du programme (sécurité sociale, congés payés, retraite, etc.) est soigneusement dézinguée par les gouvernements successifs à partie des années 1960. Le pire étant le gouvernement actuel.

Quand les mecs du CNR ont gratté leur programme, les "jours heureux", le pays était en ruines. Toute une génération venait de crever. Toute une industrie ravagée. Et une France composée de survivants. A coté, nous et les crises qu'on nous sers pour nous pourrir chaque minute un peu plus la vie et l'avenir, on passe pour des nababs. Bref, ils avaient des couilles, là où on baisse la nuque.

En résumé, ce livre mets une sacrée baffe, et une saine colère commence doucement à naître dans l'estomac du lecteur au fur et à mesure des pages, même si les articles sur le démantèlement peuvent paraître parfois un peu trop énervés.
De nos jours, la colère, c'est assez sain. Si elle est dirigée contre les bonnes cibles.

Les Jours Heureux - Le programme du Conseil National de la Résistance de mars 1944 : comment il a été écrit et mis en œuvre, et comment Sarkozy accélère sa démolition.
par Citoyens Résistants d'Hier et d'Aujourd'hui
ISBN n°978-2707160164 à La Découverte

L'avis d'Alias

mercredi 4 août 2010

Cet été, à la plage, désobéissez !

C'est les vacances, vous allez à la plage (naturiste ou textile, peu m'importe, hihi) et vous jalousez vos gamins qui s'éclatent comme des fous avec leurs cahiers de révision Passtruc Education Civique 5°. Vous avez fini votre SAS de l'été, vous avez torpillé votre dernier Doctorow et même les mots croisés de Réponse A Tout ne parviennent à occuper votre torpeur estivale une fois la sieste achevée...

J'ai pensé à vous. Si. Je suis vraiment sympa, quand même...

Dans la grande gamme des gadgets de l'été, est sorti le Petit Cahier D'Exercices De Désobéissance Civile. Je reviendrai sur le sujet de la désobéissance civile parce que j'ai un petit opus sur le sujet à vous faire découvrir, mais c'est l'été pour moi aussi, que diable. Et si vous ne savez pas ce que c'est que la désobéissance civile, ça tombe bien !




Ce petit cahier à pas trop vil prix (mon seul reproche) vous expliquera donc ce qu'est la désobéissance civile au travers de pages de jeu, de notes informatives, de gags et d'exercices. Bref, le truc idéal à bouquiner à la plage entre deux baignades. c'est amusant, léger, bien écrit. Les jeux sont rigolos, les dessins marrants.

Petit Cahier d'Exercices de Désobéissance Civile
par Jacques de Coulon (illustrations de Augagneur) chez Jouvence
ISBN n°978-2-88353-867-2

lundi 19 juillet 2010

Sous la surveillance bienveillante de grand frère

Décidément, en ce moment, l'avenir de la vie privée semble bien compromis. Pour vous parler des dangers à venir sur ce sujet, la Ligue des Droits de l'Homme, avec quelques sous de la Communauté Européenne, vient de publier une BD en plusieurs langue.
Dans cette BD, un jeune photographe qui n'a rien à se reprocher et utilise beaucoup Internet se fait entôler parce que son empreinte web n'est pas la bonne. Flippant ? Tout à fait. Paranoïaque ? Certainement pas. Un simple coup d'oeil sur l'aventure ACTA devrait vous faire réaliser que non, le contenu de cette BD n'est pas une vue de l'esprit qui fait peur. C'est juste ce qui devrait être mis en place dans les 5 prochaines années si on laisse faire.

Honnêtement, la BD est pas superbe (mais j'ai lu pire) et l'histoire pas défenestrante (mais j'ai lu pire). Elle n'a surtout de valeur que démonstrative mais justement, pour ce seul point, cela vaut le coup de la faire tourner dans votre entourage. A vrai dire, c'est actuellement le seul ouvrage en français facile à lire qui présente le sujet ! Faites-la lire à vos parents, vos amis, tout le monde. Qu'ils pigent le danger. C'est gratos, en plus, alors pas d'excuses.

Sous Surveillance, de Cécile Soulignac (scénario) et Eric Puech (dessin)
Lisible en français ici (en flash) ou (en pdf).

lundi 12 juillet 2010

Prolétaires virtuels, unissez vous !

Définitivement, je pense que Cory Doctorow, éminent monsieur du blog Boing Boing, que je vous enjoins à suivre, est un auteur à lire. J'avais déjà fait part il y a quelques temps du plaisir que j'avais eu à lire Little Brother, que j'offrirais avec plaisir à tous les ados de ma connaissance s'il était traduit en français (wink, wink, nudge, nudge).





Doctorow a l'art de prendre un sujet d'actualité, de l'insérer dans une deuxième problématique qui existera sous peu et dont les prémisses se font déjà pressentir, et d'enrouler tout ça dans un roman pour jeune adulte bien écrit, avec une trame qui donne envie de dévorer l'ouvrage. Little Brother était ainsi : la surveillance - le Patriot Act - les aventures de Win5t0n et ses potes. For The Win, son nouvel opus dans la même gamme est de la même eau : l'économie - le gold farming - les aventures des IWWWW. Voire il traite d'un sujet de plus qui est le syndicalisme. et la qualité de l'histoire fait qu'on dévore aisément ce pavé en angliche mâtinés de cours magistraux sur les sujets traités. Si mes profs avaient eu cette plume, j'aurai eu des meilleures notes, je suppose.

L'histoire conte les aventures de plusieurs enfants de pays du tiers monde que l'on exploite pour leurs compétences en jeux vidéos, puisque les MMORPG donnent la possibilité de revendre les gains virtuels de ces jeux à des joueurs "riches" mais feignants contre du vrai argent. Cela existe déjà, cf. l'excellent article "Les soutiers des mondes virtuels" et l'article Wikipedia qui font des économies du jeu vidéo des économies de fait, tout comme le timbre était (est) une monnaie de fait. Suite à des nombreux désagréments directs face à leurs chefs mafieux, plusieurs de ces gamins vont utiliser les moyens technologiques à leur disposition pour s'organiser à une échelle internationale et réinventer le syndicalisme via les IWWWW, International Workers of the World Wide Web (parallèle avec les moribonds - hélas - IWW). L'aventure est nerveuse, le destin des personnages est tendu et ce jusqu'à la fin.

Bien sûr, restent les défauts du précédent livre : à nouveau, les personnages sont un tout petit peu "larger than life" : ils sont très très fort dans leur domaine. Mais soit, cela ne gêne pas.

Et le livre ouvre une belle page de réflexion sur économie et économie virtuelle, le fonctionnement du syndicalisme, etc. Bref, un livre bien écrit qui en plus permet d'avoir des bases pour entamer une réflexion personnelle.  Si les ados de mon entourage lisaient l'anglais, je saurais quoi offrir à Noël. Editeurs français : vous attendez quoi, au juste ?

For The Win, de Cory Doctorow
en anglais chez Harper Voyager, ISBN n° 978-0007352012

Cory Doctorow ayant le bon goût d'agir en accord avec ses convictions, le roman est téléchargeable légalement ici.

Liens :
Ce qu'en dit Alias.
Ce qu'en dit Gromovar.

vendredi 25 juin 2010

Guide d'accès à l'Internet - Edition 2025

Ce petit lien (dans la langue de Goethe quand il écrivait à des potes aux États-Unis) vous permet d'avoir un aperçu de comment sera l'Internet du futur si les grosses corpos et les gouvernements, tous ces groupes pour qui la possession d'un cerveau devrait être rendue illégale, arrivent à leurs fin via des traités et des lois comme Hadopi et ACTA en pavent la loi.

Bonne lecture :
http://blogoscoped.com/archive/2010-06-24-n15.html

jeudi 10 juin 2010

Tout bon anarchiste se devrait d'être nudiste

Et c'est ici que je perds mes rares lecteurs. Hihihi. 


Et le tisserand dit : "Parlez-nous de Vêtements"
Et il répondit : Vos vêtements dissimulent beaucoup de votre beauté, mais ils ne cachent point ce qui n'est pas beau.
Et bien que vous recherchiez en vos habits le sceau de votre liberté, il se peut que vous y trouviez un harnais et une chaîne.
Puissiez-vous accueillir le soleil et le vent avec plus de votre peau et moins de vos vêtements.
Car le souffle de la vie est dans le soleil et la main de la vie est dans le vent.
Il en est qui disent: "C'est le vent du nord qui a tissé les robes que nous portons".
Et je dis : Oui, c'est le vent du nord, mais la honte fut son métier et l'amolissement des tendons son fil.
Et son travail achevé, il rit dans la forêt.
N'oubliez pas que la pudeur n'est qu'un bouclier contre l'oeil de l'impur.
Et quand l'impur ne sera plus? Que sera la pudeur sinon une chaîne et une souillure de l'esprit?
Et souvenez-vous que la terre se réjouit de sentir vos pieds nus et que les vents joueraient volontiers avec vos cheveux.
 
~Kahlil Gibran.

Si j'en crois Chomsky, "l'anarchisme est un mouvement de la pensée et de l'action humaine qui cherche à identifier les structures d'autorité et de domination, à leur demander de se justifier et, dès qu'elles en sont incapables, ce qui arrive fréquemment, à tenter de les dépasser."

A partir de là, on peut se poser la question du vêtement lorsqu'il n'est pas indispensable (pour se protéger du froid, d'éraflures, ce genre de choses). Dans ce cadre précis, la structure d'autorité et de domination est bien pire car elle n'est pas directement identifiable : c'est notre éducation, c'est la pression de nos pairs. La loi n'en est que le reflet. Les naturistes le prouvent depuis plus de 100 ans, oui, on peut dépasser cette structure de domination et d'autorité qu'est le vêtement.

De mon point de vue personnel, dans un sens de civilisation, je suis de la même opinion que la constitution espagnole actuelle : les gens devraient avoir la liberté vestimentaire. Et dans l'idéal, personne ne prêterait attention au vêtissement des autres. Et c'est là que se situe l'essentiel du problème. Le problème est que notre propre comportement à nous, et reflété dans notre société, est de juger les autres et de vouloir forcer tous les autres humains à se rallier à une normalité qui est "ce que je fais moi". Bref, on juge et condamne, naturellement et inconsciemment, les comportements qui ne sont pas les nôtres.

Ecoutez-vous parler, des fois. Il m'arrive des fois de dire des horreurs qui me répugnent après coup, mais qui sont parfaitement acceptées dans notre société : rire d'une personne habillée différemment, évoquer les tatouages, les strings qui dépassent des pantalons, le maquillage, peu importe, d'un autre être humain de manière négative. Au final, on génère, nous même, une pression sociale, sans s'en rendre compte, répugnante de condescendance, de mesquinerie, de violence. Dire d'une nana légèrement vêtue "c'est un appel au viol" : et quoi ? Tous les êters humains sont des violeurs en puissance ? Quelle médiocrité de notre propre espèce. Il faut croire que la haine profonde, inconsciente parce que atavique, du corps humain est fondamentale. On se plaint souvent, aussi, de la surutilisation des corps de femmes dénudés pour vendre n'importe quoi, du slip à la photocopieuse. Mais ce n'est pas vraiment l'usage, qui est condamnable, que le fait que cela marche. Tant que les gens réagiront positivement à ce signal, les pubards continueront de l'utiliser. Eduquer un pubard, c'est vouloir éduquer un pied de chaise. Par contre, je garde espoir qu'on puisse un jour enseigner à la population que tout le monde est fait d'une tête, deux bras, deux jambes, un torse et un sexe. Tout le monde. Ce n'est finalement que le refus insconscient de ce fait qui amène le résultat actuel, avec une population plus que jamais mal dans sa peau, qui ricane bêtement ou hurle ou mate ou proteste dès que y'a un bout de peau qui dépasse ou un bout de tissu pas à sa place (d'ailleurs, le bout de peau qui provoque change régulièrement au cours de l'histoire).

C'est avec ces idées en tête, et l'abondante littérature anarchiste au sujet du nudisme, que j'ai abordé ce livre.





Le Bonheur D'Être Nu : Le Naturisme, Un Art De Vivre, de France Guillain
chez Albin Michel
ISBN n°978-2-226093-54-7

Le bouquin de France Guillain, pour aussi enthousiaste qu'il soit, est écrit de manière lisible, avec des chapitres découpés clairement. Elle y retrace à la fois sa propre vision du naturisme (qui pousse plus loin la réflexion sur la nudité avec des considérations d'hygiène de vie), mais elle part parfois dans des considérations assez annexes, ou des assertions avec lesquelles j'ai du mal à être d'accord.
Toutefois, la totalité est intéressante à lire et réponds à pas mal de questions que j'ai pu me poser sur le sujet. Elle répond principalement aux questions sociologiques (pourquoi ? comment ?) et aux questions que les gens se posent quand le sujet est abordé (questions généralement posées avec force ricanements).

Au final, le bouquin m'a apporté des réponses, certes, mais n'est guère qu'un point de départ sur ma réflexion alimentant le début de ce message, c'est à dire notre comportement de meute en matière de juger négativement ceux qui sortent de notre groupe. On nous as éduqués à ne pas juger certains critères (couleur de peau, religion, etc.) mais il nous reste un long, très long chemin à parcourir pour ce qui est d'arrêter, tout simplement, de juger les autres sur leur vêtement et leurs caractéristiques physiques. Aussi bien positivement que négativement, d'ailleurs. Non, un mec en costard de marque n'est pas forcément un type bien/riche/agréable, par exemple. Mais la tendance actuelle de vouloir servir de publicité ambulante à des logos relève du même mécanisme : "je suis ce que je porte".
Bref, il me semble que tout anarchiste devrait sauter le pas. Sans forcément adhérer à la totalité des valeurs naturistes, qui ont parfois des vieux relents d'angélisme désuet.

Mais, ô mes rares lecteurs, la prochaine fois qu'il vous prendra l'envie de pester contre un dénudement ou ricaner du vêtement d'une personne, posez-vous quelques questions sur vous-mêmes. "De quel droit est-ce que je me moque d'un autre être humain ?" "Si je peste, n'est-ce pas que ce dénudement m'a fait réagir ? Pourquoi ?"

mardi 1 juin 2010

Une histoire, 3 Adolfs

Au départ, je ne pensais pas en faire un billet, je l'avoue. Après tout, je l'avais achetée par curiosité, comme une simple bande dessinée "loisirs" ayant décidé de me concentrer ces temps-ci sur des lectures 'légères'. J'avise dans un rayon manga une jolie édition, et j'avais toujours souhaité découvrir cet auteur dont on m'avait souvent vanté le génie.
Léger ? Je ne m'étais jamais autant trompé de toute ma vie. Et je certifie : Osamu Tezuka est un génie de la BD. Son Histoire des 3 Adolfs en est la preuve. Quelle baffe, bon sang ! Ce n'est pas souvent qu'arrivé à la fin d'une BD j'ai un sentiment pesant d'une grande tristesse face à la souffrance des divers protagonistes de cette histoire, qui devient de plus en plus sombre au fur et à mesure qu'elle avance (en même temps que l'Histoire).

Revenons sur l'histoire. En 1936, à l'occasion des jeux olympiques de Berlin, un jeune reporter japonais, Sohei Togué, va récupérer de son frère des documents prouvant l'ascendance juive de Hitler. Son frère meurt à cause de ces documents, et Sohei jure de le venger en usant de ces documents. Les documents sont le McGuffin qui va créer toute l'histoire : plein de monde les recherchent, ils changent de main, disparaissent, réapparaissent, etc. A coté de Sohei, nous suivons aussi les aventures de deux gamins qui se jurent d'être amis pour la vie. Ce sont tous les deux des membres de la communauté allemande vivant à Kobé. Le premier s'appelle Adolf Kauffman et est germano-japonais. Son père l'inscrit, contre son gré, à l'Adolf Hitler Schule afin qu'il devienne un cadre du parti. Lui ne veut pas parce que son meilleur ami, Adolf Kamil, est un juif, le fils du boulanger.
Dans une histoire assez complexe, mortifiée par le déroulement de l'Histoire, les nombreux personnages de cette histoire vont se croiser, se recroiser, s'affronter, s'apprécier, vieillir, se marier, souffrir beaucoup.

On y voit comment Adolf Kauffman, un enfant idéaliste fort attachant, devient un monstre froid, fanatisé et aussi dément que son chancelier. Du point de vue du lecteur, on y découvre aussi un angle complètement ignoré par nous français de cette guerre, à savoir toute la partie Océan Pacifique et la manière dont ont été vécu les événements par la population japonaise, rarement traitée en cours d'Histoire. Au-delà de l'excellent scénario que Tezuka nous sers, au travers de personnages profonds, la partie historique est passionnante. En plus, ces ouvrages contiennent une partie "exégèse" où deux auteurs reviennent sur les éléments historiques abordés dans les livres.

Tezuka, malgré son trait simple, rond et gentil, évoquant un peu Tintin et Disney, nous sert une histoire d'une noirceur fuligineuse (j'ai pas souvent l'occasion de le placer, tiens, cuilà). A chacun des quatre volumes la vie des personnages descend un peu plus dans l'horreur, même s'ils ont droit à quelques moments de bonheur. De temps en temps, Tezuka introduit un gag ou deux afin d'alléger le propos, heureusement. Une fois fermé les livres, il m'a fallu faire une longue pause, pour absorber le choc que je venais de prendre.

Incroyable. Je confirme : Tezuka est un génie.
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L'Histoire des 3 Adolfs de Osamu Tezuka
4 volumes chez Tonkam
ISBN n°978-2759501380

mercredi 12 mai 2010

Big Brother Awards 2010 : les gagnants

Je vais faire court : c'est là.

Félicitations aux gagnants, qui peuvent rentrer avec fierté chez eux, saluer Big Brother et dire "J'ai gagné, c'est double-plus bon."

On notera la victoire de Eric Besson dans la catégorie Etats/Elus et surtout de Thierry Lhermitte et de Trident Media Guard dans laquelle il a des parts, dont le but va être de faire des sous via les dispositions de la célèbre (et lamentable) Hadopi.

Félicitations !


"Le discours politique est destiné à donner aux mensonges l'accent de la vérité, à rendre le meurtre respectable et à donner l'apparence de la solidarité à un simple courant d'air."
~G. Orwell

vendredi 7 mai 2010

10 ans de Big Brother Awards

Putain, 10 ans…
Les joyeux drilles des Big Brother Awards (dont j'ai déjà parlé l'an dernier à la même époque) sont de retour avec une liste de nominés pas piquée des hanneton. Et en plus, en lecteur fidèle de Bug Brother, je transmets leur invitation à une après midi «spécial 10 ans».

Donc ce sera le 29 mai 2010 après-midi au théâtre La Belle Étoile. Plus d'infos ici.

jeudi 6 mai 2010

OGM : je pétitionne "Non"

Message de "OGM Je Dis Non

Un amendement parlementaire à la loi Grenelle 2 propose:
« La mise en culture, la récolte, le stockage, et le transport de végétaux génétiquement modifiés est interdite. »
Cet amendement des députés François de Rugy, Yves Cochet et Noël Mamère (Verts) devrait être discuté jeudi 6 ou vendredi 7 mai.
La pétition lancée par L'Ecologiste et l'association OGM Dangers a déjà recueilli 77 000 signatures pour l'interdiction des OGM. N'hésitez pas à la signer et à la faire signer, afin de montrer aux parlementaires le fort soutien de la population à cette mesure.
C'est la première fois que l'interdiction des OGM est proposée au vote des parlementaires.
Pour soutenir cette initiative, vous pouvez signer en ligne : www.ogm-jedisnon.org 

Solution locales pour désordre global cinématographique

Profitant d'une belle soirée bien froide de mai, je me suis réfugié dans la salle obscure et chaude des Sept Parnassiens pour y mater le documentaire de Coline Serreau.



Au cours de plusieurs voyages dans le monde agricole (France, Inde, Brésil, Afrique, Ukraine), Coline Serreau va interviewer de nombreux acteurs de l'agriculture bio/alternative, dont des membres du MST et le président de Kokopelli. On y découvre que les promoteurs de cette agriculture ne se contentent pas de geindre contre le vil suppôt capitaliste (comme les médias qui mentent le répètent inlassablement) mais, bien au contraire, proposent une véritable alternative qui fonctionne et donne de vrais résultats (en terme de production mais aussi d'emploi et d'environnement). Le sujet est passionnant et les intervenants excellents ; je pense particulièrement au couple d'ingénieurs en agronomie/microbiologie du sol.
Ce tour du monde présente donc des méthodes qui marchent provenant de gens qui obtiennent des résultats, seuls face à l'énorme machine industrielle qui passe leur temps à leur mettre des bâtons dans les roues. Saviez-vous qu'en France il est interdit même de _donner_ des semences qui ne soient pas dans un catalogue précis de semences autorisées dont le contenu est extrêmement inquiétant ? Je ne le savais pas non plus.

Bon, maintenant que j'ai dit tout le bien que je pensais du fond de ce film, passons à la forme. Là, par contre, c'est une catastrophe, malheureusement, qui nuit gravement au message, à sa diffusion et son acceptation. La caméra est très mal tenue. Je veux pas faire un catalogue exhaustif cruel et me contenterai des plus dérangeantes : image floue, effets de zoom malheureux, cadrage approximatif, montage hoquetant, caméra à l'épaule malheureuse, antagonisation du spectateur au début du film... La forme nuit vraiment au fond et c'est vraiment, vraiment, vraiment dommage.

Ça me fait de la peine de devoir en dire du mal... Car c'est un film à voir, pourtant, mais pour son contenu, en espérant qu'en sorte un livre...

lundi 3 mai 2010

Rubrique Nécrologique : Le Plan B

Mon cœur saigne. Un journal que j'avais plaisir à trouver chaque bimestre à mon kiosque (tenu par deux anars fort sympathiques) met fin à ses jours dans le silence assourdissant des Médias-Qui-Mentent. Il s'agit du Plan B, le "journal qui mord et qui fuit", rejeton de Pour Lire Pas Lu et (si j'ai bien compris) un peu de Fakir.
Le Plan B avait à cœur de rentrer dans le lard des médias français et de leur en mettre plein la pouille. Distribuant des "Laisse D'Or" chaque mois au journaliste considéré le plus servile, faisant le procès de "grands" de cet univers du copinage, dénonçant les collusions, les copinages, les renvois d'ascenseur, signalant la différence de traitement de l'actualité dans les quotidiens et fournissant des articles dont la qualité de la prose n'avait d'égal que la concentration moléculaire de l'acide ayant servi à les écrire.
J'adorais.
Il nous reste l'Acrimed et Fakir (ainsi que, en anglais, The Vile Plutocrat, dans un registre différent tout de même), mais les rangs s'éclaircissent dans le maigre groupe des journaux dignes héritiers de Hermann&Chomsky, Bourdieu.
Revenez. Vous me manquez déjà.


Quant à vous, mes rares lecteurs, pensez à acheter le dernier numéro dans votre kiosque le plus proche.

lundi 19 avril 2010

Au fond des archives personne ne vous entendra hurler

Hasard amusant : dans mon lieu de travail actuel, de l'autre coté du couloir, se trouve le bureau de l'auteur d'un récent opus sur la vie des assistantes (euphémisme pour "secrétaires"*). Dans son livre, elle présente de manière très amusante les déboires de la vie de ces piliers de la vie professionnelle que sont les secrétaires. Et je le dis avec sérieux : elles m'ont plus d'une fois sauvé la mise, que grâce leur en soit rendue.



Mon Chef Ce Héros de Sabrina Bellahcene
Edité par Les Petits Matins
ISBN n° 2-915879-69-9

Le livre est découpé en quatre parties : la première présente l'écologie de l'assistante : parcours, rêves, fonctionnement. Suit celle de son supérieur direct, celui (ou celle) avec lequel elle va passer la majorité de son temps : le Chef. S'ensuit une description du fonctionnement de leur relation symbiotique teintée de sang et de souffrance puis, enfin, la séparation.

Tout l'ouvrage est plutôt bien écrit, avec un clavier trempé d'un humour féroce et beaucoup d'ironie. Les Chefs s'en prennent quand même plein la poire et cela réjouit mon petit cœur d'employé subalterne, même sans être assistant. J'ai adoré le fait que le texte soit entrelacé de référence pop-culture (cinéma, comics, pubs, ...). C'est bien fait parce que le livre n'est pas une compil' d'humour référentiel comme j'en lis trop souvent. Là, les références sont des petites touches d'humour en plus pour ceux qui les suivent.

"Il y a comme un désespoir malsain dans ton rire." ~Tyler Durden, Fight Club (1999)

C'est en effet ce que je retiens de ce livre. Il est très drôle, très enlevé, mais il masque mal la douleur et le désespoir qui sont derrière. J'ai ri en le lisant, mais avec le sentiment de rire de la souffrance de quelqu'un. Ce livre semble l'exorcisation d'un métier difficile, dénué de reconnaissance et fatalement désespérant.
Ce n'est pas le premier livre de ce type, j'avais déjà parlé de l'Open Space M'A Tuer. L'actuelle apparition, bien que mineure, de livres ou documentaires de ce type sur tous les métiers montre bien que quelque chose cloche dans cette société. Surtout avec un ascenseur social en panne prolongée.

Un livre à lire pour se détendre, en ne faisant pas abstraction de la réalité qu'il recouvre.

* : elle le dit elle-même au début du livre.

mercredi 17 février 2010

Les coups tordus de Churchill

Si vous avez besoin d'un petit peu de détente entre deux études sur l'état de l'économie ou de la planète, je ne peux que recommander cet opuscule amusant sur Churchill. Son auteur, Bob Maloubier, 85 ans aux prunes, est un ancien espion qui a servi pour le SOE lors de la Seconde et visiblement fasciné par le personnage dont il fait une biographie à la fois sérieuse et romancée.


Les Coups Tordus de Churchill de Bob Maloubier
chez Calmann-Levy
ISBN : 978-2-702140-0-62

Le style d'écriture permet à ces 250 pages d'être rapidement dévorées, et le défaut que je trouverais au livre c'est de tomber dans le piège de la biographie : le personnage biographé est trop fort, trop grand, trop beau et il a tout fait. Sauf que dans le cas de Churchill, ce n'est pas tout à fait faux, vu à quel point il était au centre d'événements essentiels de l'histoire contemporaine.

Bref, le roman couvre la vie de Churchill, à travers le prisme de sa fondation et de son utilisation de l'appareil d'espionnage et de "deception" britannique. Des premiers coups fourrés réalisés par le bonhomme dans des guerres pour l'Empire Britannique à l'opération Fortitude, tout y passe, raconté sous la plume fascinée de l'auteur, qui a l'avantage d'avoir vécu en direct une partie des événements.

Une petite lecture qui repose et délasse en apprenant des choses sur l'homme, dont certains coups vraiment tordus. Par contre, le lecteur aura à coeur de pas se laisser emporter par l'enthousiasme de l'auteur : Churchill n'était pas tout blanc non plus (cf. Une Histoire Populaire De L'Empire Américain, tiens, d'ailleurs) et déjà entre les lignes transparaît l'aveu, parfois, que certaines opérations ont coûté très cher en vies humaines.

mardi 16 février 2010

Joe Sacco - Gaza 1956 : En Marge De L'Histoire

Joe Sacco n'est pas un inconnu. Enfin, pas tant que ça. Il s'agit d'un journaliste BD comme il en existe trop peu (Art Spiegelman, par exemple, en est un autre). Joe a déjà plusieurs livres à son actif, dont les très bon "Palestine" et "Gorazde" chez Rackham et a été récompensé. Ses traitements de l'actualité dramatique d'une manière "gonzo-sérieuse" sont particulièrement intéressant. Gonzo-sérieux est à prendre dans le sens où ses récits le mettent en scène, mais toujours dans le cadre d'un reportage sérieux sur un sujet qui ne l'est pas moins.



Gaza 1956 : En Marge De L'Histoire par Joe Sacco
chez Futuropolis, ISBN : 2754802525

Gaza 1956 : En Marge De L'Histoire est un ouvrage massif (300 pages, mazette), une bande dessinée et un reportage, un reportage dessiné. On y suit Joe Sacco qui part en reportage en Palestine afin d'obtenir des témoignages sur deux événements s'étant déroulé en novembre 1956 et n'ayant laissé pour trace que des notes de bas de page dans les livre d'histoire. Il s'agit de deux opérations israéliennes sur la population civile de deux camps de réfugiés qu'on pourrait qualifier, sans hésiter, de "ratonnades" scandaleuses : des soldats israéliens ont humilié/tabassé/massacré un grand nombre de civils dans les villes de Rafah et Khan Younis.

Au-delà du simple récit des événements, le traitement est particulièrement intéressant, parce que dans ses 300 pages, Joe raconte non seulement ce qui s'est passé, mais couvre aussi la difficulté d'obtenir des témoignages et d'en vérifier l'historicité par cohérence, l'histoire tragique du conflit, ainsi que le quotidien de la vie aujourd'hui à Gaza, sans oublier une intéressante critique du journalisme dans le cadre d'un conflit qui n'en finit plus de se dramatiser, dans une certaine différence. Ah : et le quotidien local est d'autant plus intéressant que pendant la période où il se trouvait à Rafah la coalition menée par les USA est entrée en guerre avec l'Irak.

De plus, Joe traite de tout cela sans le sur-dramatiser, et avec un dessin clair et agréable qui mérite qu'on prenne le temps de le savourer. Il permet de voir à quoi ressemblaient les lieux et comment ils ont changé, ainsi que les protagonistes, par les témoignages non seulement de ceux qui ont subi les événements, mais aussi du témoignage direct du second de Moshé Dayan, et des documents de l'ONU ou des archives israéliennes que Joe et ses collègues ont réussi à obtenir.

L'ouvrage est en plus un très bel objet.C'est à mettre dans sa BDthèque juste à coté de "Une Histoire Populaire De L'Empire Américain", l'adaptation BD du livre de Zinn.
Un extrait des planches est là : http://backstage.futuropolis.fr/debat/blog/joe-sacco-gaza-1956-en-marge-de-l-histoire-en-prepublication

Edit (26-04-2010) : Munin de Hugin et Munin vient d'en parler

lundi 15 février 2010

Les Lois de Celine, mais pas Louis-Ferdinand... Hagbard

Rions un peu.
(repris librement du site discordien 23 Apple of Eris, repris de Wikipedia Anglais)

Les lois de Céline sont une série de trois lois gouvernant le gouvernement (pouf pouf) et l'interaction sociale attribuées au personnage fictif de Hagbard Celine dans son manifeste "Ne sifflotez pas quand vous faites pipi" (Never Whistle While Pissing). Le personnage apparaît dans la trilogie Illuminatus!, le délire discordien conspirationnisto-paranoïaco-chaotique de Robert Anton Wilson et Robert Shea, fort rigolo au demeurant. Celine, en gentleman anarchiste, sers de porte-parole pour toutes les idées anarchistes, libertariennes, etc. de Wilson.

Les trois lois de Celine apparaissent dans un des multiples spin-off rigolos de Illuminatus!, à savoir The Illuminatus Papers.

Première loi de Hagbard Celine : La sécurité nationale est la principale raison de l'insécurité nationale.

Reflétant la paranoïa relative à la Guerre Froide, la première Loi de Céline tourne autour de l'idée communément acceptée (à l'époque au moins, mais encore aujourd'hui) que pour obtenir un début de Sécurité Nationale, il faut créer une police secrète. Or, le danger est grand que des espions inflitrés, des révolutionnaires locaux et des séditieux divers pénètrent le système et donc la police secrète. Et, étant donnés les grands pouvoirs donnés à ce type d'entité, à savoir chantage, menaces, assassinats et intimidation d'autres membres du gouvernement, il est essentiel de créer un corps de police secrète supérieur, secret lui aussi, qui va surveiller les premiers afin de s'assurer de leur loyauté (qui a dit Paranoïa ?) Et ainsi de suite, à répéter ad nauseam jusqu'à ce que vous soyez arrivés à court de citoyens ou de budget. Et puisque cette situation de paranoïa et d'autosurveillance rend intrinsèquement les citoyens cibles de leur propre nation, chaque citoyen est plus menacé par une immense organisation secrète policière que par n'importe quel ennemi contre lesquels l'organisation chercherait à les protéger. Wilson souligne que l'U.R.S.S. a souffert de ce syndrome à tel point qu'elle était terrifiée par les peintres et les poètes qui ne posaient aucun danger réel.

Dans le même temps, étant donné les limites de financement et d'échelle, l'état de sécurité parfaite n'est jamais vraiment obtenu, laissant la population vulnérable à la menace d'origine mais aussi vulnérable à la vaste et orwellienne police secrète.

Pour résumer, l'obsession de sécurité nationale crée un état de surveillance qui est plus une menace pour le citoyen que la menace dont elle cherche à le protéger.

Seconde loi de Hagbard Celine : une communication exacte n'est possible que dans une situation n'impliquant pas une possible punition

Wilson la reformule lui-même à plusieurs reprises en "La communication se produit seulement entre égaux." Céline appelle cette loi "simple déclaration de l'évidence" et se réfère au fait que tous ceux qui travaillent sous les ordres d'une figure d'autorité tendent à lui mentir et à la flatter, soit pour se protéger de sa violence, soit pour éviter la privation d'une sécurité (comme la perte d'un emploi). En substance, il est généralement plus dans l'intérêt de tout travailleur de dire à son patron ce que ce dernier désire entendre, non pas ce qui est vrai.

Dans toute hiérarchie, chaque niveau inférieur porte la subtile charge de voir le monde de la manière dont leurs supérieurs s'attendent à ce qu'ils le voient ; et de fournir un retour que les supérieurs de leurs supérieurs veulent entendre.

En fin de compte, toute organisation hiérarchique confirme que ce que ses dirigeants pensent déjà est vrai, plus qu'elle ne les mets au défi de penser différemment. Les niveaux en-dessous des dirigeants sont plus intéressés dans la conservation de leur emploi que de dire la vérité. (Note du lecteur : pensez à l'affaire Enron/Worldcom).

Wilson, dans Prometheus Rising, utilise l'exemple de J. Edgar Hoover, fondateur du FBI. Hoover voyait des communistes et des espions infiltrés partout, et il demande à ses agents de les traquer. Par conséquent, les agents du FBI ont commencé à voir et à interpréter tout ce qu'ils pouvaient dans le sens de cette conspiration communiste. Certains sont même allés aussi loin que de faire passer les gens pour des communistes en les piégeant, en procédant à des arrestations en grande partie sans fondement et en faisant tout leur possible pour satisfaire Hoover et éliminer la conspiration communiste. Le problème est qu'un tel complot n'a jamais existé, sous quelque forme que ce soit. Hoover pensait que oui, mais tout agent qui a osé rappeler le manque de preuves à Hoover aurait, dans le meilleur des cas, vu ses promotions refuées et, au pire, aurait été accusé d'être lui-même un communiste et aurait perdu son emploi. Tout agent qui connaissait la vérité prenait bien soin de se taire.

Wilson utilise l'œil dans la pyramide du Grand Sceau des États-Unis comme un symbole de la dysfonction des hiérarchies : tous les niveaux sauf le plus haut est aveugle, mais l'œil ne peut voir que dans un sens.

En fin de compte, Céline affirme qu'une hiérarchie tends plus à cacher la vérité à ses dirigeants qu'elle ne tends à trouver la vérité.

Troisième loi de Hagbard Celine : un politicien honnête est une calamité nationale

Céline reconnaît que la troisième loi peut sembler absurde dès l'énoncé. Même si un homme politique malhonnête ne s'intéresse qu'à améliorer son propre sort en abusant de la confiance du public, un politicien honnête est beaucoup plus dangereux car il croit honnêtement à l'amélioration de la société à travers l'action politique, et cela signifie l'écriture et l'application de lois de plus en plus nombreuses. Céline soutient que la création de plus de lois ne sert qu'à créer plus de criminels. Chaque loi restreignant la liberté individuelle par nature, et le taux croissant de lois en cours de rédaction signifie que tout citoyen, au cours de sa vie quotidienne, n'a plus qu'à chercher à ne pas violer, au cours de sa journée, l'une quelconque de la pléthore de lois. Ce n'est que par des politiciens honnêtes qui essaient de changer le monde à travers les lois que naît la tyrannie véritable, au travers d'une législation excessive.

Des politiciens corrompus remplissent simplement leurs propres poches. Les politiciens idéalistes peuvent mettre fin à la liberté des gens à travers d'énormes quantités de lois. Ainsi, des politiciens corrompus sont préférables selon lui.

Citant Lénine et ses successeurs à titre d'exemple, Wilson fait valoir que les plus tyranniques et brutaux régimes de l'histoire ont été créées par des politiciens honnêtes qui croyaient à une bonne cause.

(Note du lecteur : amusant mais pas que)

jeudi 28 janvier 2010

Tristesse

Howard Zinn, l'auteur de "Une Histoire Populaire des Etats-Unis" et ami de Noam Chomsky est décédé hier soir, à l'âge de 87 ans.


Notre planète ne manque que trop d'hommes comme lui.

mardi 26 janvier 2010

Manifeste pour le Domaine Public

Puisque c'est à la mode, avec toutes ces lois qui sont là pour supprimer toute notion de vie privée, d'entraide et d'amitié, à savoir HADOPI, LOPPSI 2 et surtout l'innommable ACTA, lois qui ne font que démontrer la haine profonde des gouvernements actuels envers leur population, je me permets de faire passer un lien vers le manifeste pour le domaine public, que vous allez j'en suis sûr, signer.

Car LE DOMAINE PUBLIC EST LA REGLE, LE COPYRIGHT EST L'EXCEPTION. Ne l'oubliez pas.

Le site est : Public Domain Manifesto
Et vous trouverez là une version française du texte en pdf ou en odt.

Merci.

lundi 18 janvier 2010

L'Affaire des Affaires


On m'a prêté hier soir une bande dessinée sur l'affaire Clearstream. Vous savez, ce truc dont les médias disaient qu'on y comprend rien. En fait, c'est vraiment pas très compliqué... L'affaire Clearstream, la vraie, c'est pas les pov' conneries qu'on nous as servies à propos des pseudo comptes de notre président et d'un ancien ministre. Ça, c'est vraiment un détail qui n'a guère de rapport avec le vrai sujet du scandale (sur l'existence duquel je reste mitigé).

En 1999, Denis Robert fait la connaissance de Ernest Backes, un luxembourgeois qui travaillait pour la future Clearstream et s'est tiré avec pas mal d'infos sur les clients (liste de comptes et d'opérations) qui sous tendraient des opérations noires.

Quand les banques effectuent des transactions, aucune espèce physique ne transite entre leurs coffres (ce serait insupportable). Il faut donc, pour ce cas précis et si j'ai bien compris, faire appel à une société de clearing (Clearstream par exemple) chez laquelle les deux banques ont un compte. Le solde du compte Clearstream de l'une baisse de la somme transférée, et le solde de l'autre augmente d'autant. C'est tout bête. Clearstream se payant, je suppose, sur les frais de transactions. Notez que je suis pas sûr d'avoir pigé, hein.
Toutes les banques passent par ce genre de système, particulièrement celles qui ne peuvent communiquer entre elles.
Etant totalement méconnue du grand public, donnant la possibilité d'avoir des comptes secrets, il serait possible, si la direction d'une telle société n'est pas vertueuse, de faire nombre d'opérations délictueuses à grande échelle.
C'est ce qu'entend démontrer Denis Robert dans ses ouvrages, Révélation$, La Boîte Noire, etc. Seulement, il est en procès en cassation pour des diffamations qu'il a perdues car il n'a pu prouver que les affaires délictueuse ont vraiment eu lieu.
Je ne saurai pas le contenu des livres parce qu'ils ont été retirés des rayons des librairies (et les bouquins atteignent un prix étonnant sur le wèbe).

Aujourd'hui, Denis Robert a d'ailleurs annoncé qu'il baissait les bras sur son blog.

L'Affaire des Affaires est une bande dessinée scénarisée par ce dernier où il raconte le déroulement de son enquête, semaine par semaine, sur cette longue histoire qui a mobilisé l'assemblée nationale, l'union européenne, et partout ailleurs.

Que Denis Robert aie ou non raison, la puissance et la discrétion d'une telle structure financière peuvent à raison inquiéter. Quelle que soit leur honnêteté, nous avons donné beaucoup trop de pouvoir à ces structures, devenues intouchables. Il n'y a qu'à voir comment notre gouvernement s'est précipité de tout accepter pour "sauver" les banques, et comme on nous as fait passer la farce du G20 comme une grande avancée dans la réforme du capitalisme. J'ai les lèvres trop gercées pour en rire.

La BD est bien dessinée et très bien racontée. Ça se lit tout seul, c'est un vrai bonheur, et les subtilités économiques sont très bien expliquées. J'ai beaucoup apprécié ma lecture.
Suite à cela, j'ai cherché les deux ouvrages cités, et je n'ai pu constater que leur indisponibilité.

Quant à savoir la vérité, dans un milieu où le silence est la règle d'or, je crois qu'on peut toujours rêver. Et que Denis Robert n'aie pu prouver ce qu'il avançait ne signifie aucunement le contraire (c'est un paralogisme standard que dire que si A implique B alors nonA implique nonB) : la question reste donc en suspens. Il faudrait prouver nonB et il est particulièrement difficile de prouver une absence.

L'Affaire des Affaires de Denis Robert, Yann Lindingre et Laurent Astier chez Dargaud
Deux volumes pour l'instant.
Tome 1 : L'Argent Invisible ISBN : 978-2205061888
Tome 2 : L'Enquête ISBN : 978-2205063042
Site de la bande dessinée
Blog de Denis Robert
Site de Clearstream
Wikipedia :
Clearstream
Affaire Clearstream 1 (celle évoquée dans l'Affaire des Affaires)
Affaire Clearstream 2