vendredi 16 septembre 2011

Putain, dix ans.

"Un homme prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une, ni l'autre et risque de perdre les deux."
~Attribué à Benjamin Franklin, mais plus probablement de Richard Jackson

"Ne vends pas la vertu pour acheter la fortune, ni la Liberté pour acheter la puissance."
~Benjamin Franklin

"La sécurité vous est-elle si chère, ou la fortune si douce, au point de les acheter au prix des chaînes et de l'esclavage ? (...) Je ne sais pas quel chemin les autres suivront mais, dans mon cas, donnez moi la liberté ou la mort !"
~Patrick Henry

Bon, ça fait dix ans que le 11 septembre a changé l'équilibre du pouvoir entre les citoyens et leurs gouvernements. Dix ans que les lois sécuritaires se multiplient. Dix ans que les gouvernements occidentaux multiplient les lois sécuritaires. Presque 10 ans que vigipirate est au niveau rouge/orange. Dix ans que voir des militaires portant des FAMAS dans des lieux publics ne nous choque plus. Dix ans qu'on accepte tout et n'importe quoi au nom de la sécurité. Dix ans de contrôles ridicules dans les avions. Dix ans que la droite nous vend la soupe de la sécurité pour se faire élire.

Mais... Dans le cadre du terrorisme... Si la population... Si NOUS avons peur et sacrifions tout à la sécurité, même nos valeurs... n'est-ce pas la preuve qu'au final, ce sont les terroristes qui ont gagné ?

En cet anniversaire du 11 septembre, l'ACLU, American Civil Liverties Union, un groupe de défenseur des droits du citoyen aux USA, vient de publier un très intéressant document, appelé A Call To Courage.



http://www.aclu.org/files/assets/acalltocourage.pdf

Dans ce bref document de 36 pages ont a un superbe résumé de la décennie, démontrant à quel point les Etats Unis ont réfuté la totalité de leurs valeurs fondatrices, des valeurs chantées dans leur hymne national et célébrées dans une constitution qui est un modèle. Tout ça pour combattre une guerre qui n'a ni frontières ni limites. Normalement, le don des pleins pouvoirs, dans le cadre d'une guerre, se fait de manière extrêmement délimitée pour éviter les abus, sous la forme de limites temporelles et géographiques. Sauf que la "guerre contre le terrorisme" n'ayant ni l'une ni l'autre, les pleins pouvoirs ont été donnés de manière définitive à l'exécutif, sans aucune limite ni droit de regard.

A Call To Courage est un appel à leurs députés et sénateurs pour qu'ils cessent d'avoir peur et remettent le nez dans les affaires de l'exécutif. C'est en tout cas un document à lire, pour un résumé essentiel de tout ce qu'a abandonné les USA dans leur "guerre": tortures, détentions illimitées, enquêtes militaires, prisons secrètes, interdiction d'accéder à un procès, etc.

En parallèle, mais tout aussi intéressant, a été publié un "paper" scientifique qui étudie le dilemme auquel fait face un décideur politique dans le cadre du terrorisme : empêcher le terrorisme ou les récriminations (preventing terrorism or preventing blame).

http://opim.wharton.upenn.edu/risk/library/J2011OBHDP_APM,AT,HK_PolicymakersDilemma.pdf

Dans ces dix pages, les auteurs étudient et prouvent qu'alors qu'un membre du parlement envisageant une politique anti-terrorisme devrait faire une cotation normale des risques encourus prenant compte de la probabilité d'apparition du risque (comme dans toute étude AMDEC qui se respecte), ils tiennent plus compte de la quantité de reproches qu'on risque de leur faire s'ils n'ont su l'empêcher, amenant à un défaut de perception sur la prioritisation de ce qui devrait être accompli.

Honnêtement, il s'agit d'une étude toute bête sur nos comportements, mais qui montre, quelque part, à quelle vitesse nous renonçons à la loique et entrons dans le pathos dans certains cas.
Dix pages à lire.
 
Et en France, c'est pareil. Remember Loppsi ? Les écoutes du Monde ?

EDIT : en route vers 11 ans ! Yeah ! (merci BoingBoing)

lundi 5 septembre 2011

Du béton dans la tête

C'est un domaine à la fois aussi intéressant que mal défini que la Psychogéographie. Même s'il n'est pas inventeur de la discipline, c'est ce bon vieux Guy Debord qui créa le nom, accompagné d'une définition tout à fait situationniste. Et une fois le concept mis en place ? Rien. Ou si peu. Pourtant, nombre d'études et de romans ne se réclamant pas de la psychogéographie semblent pourtant y émarger et certains des concepts auxquels elle a donné naissance pourraient peut être être exploités à nouveau. Ou plutôt, certains études tatonnant autour du sujet pourraient tenter de s'y plonger.

La Psychogéographie, selon Debord, c'est "l'étude des lois exactes, et des effets précis du milieu géographique, consciemment aménagé ou non, agissant directement sur le comportement affectif des individus." Entre autre choses, c'est l'influence bien sensible des quartiers et de la ville, en tant qu'entité vivante, sur les gens qui y vivent. L'effet de l'ensemble sur la partie.

"Psychogéographie !", si on a déjà un peu la ville comme intérêt littéraire, est finalement assez peu intéressant, car le bouquin est surtout, pour le dire méchamment, une bibliographie d'ouvrages accompagnée de commentaires. C'est pas trop mal écrit, certes, mais assez peu transcendant. Par contre, si vous aimez la Ville, la bibliographie est une perle : "Rue des Maléfices" (Yonnet), "Paris Insolite" (Clebert), "London Orbital" (Sinclair), etc. sont des ouvrages à avoir lu absolument!

Au-delà de l'ouvrage, je crois que c'est vraiment la notion même de psychogéographie qui gagnerait à être creusée. Suivant comment on la découvre, une ville a un visage ou un autre. On sent bien que les quartiers ont des ambiances variées, et les grands projets d'urbanisme à l'ancienne, qui ne tiennent que rarement compte de ce genre de spécificités, ont une forte tendance à l'échec - je songe à toutes ces utopies urbanistes de HLM-ville - donnant des résultats parfois opposés à l'objectif escompté. La cartographie d'une ville, souvent limitée à ses réseaux, ne tient aucun compte des facteurs psychologiques (ambiances, cultures, etc.), là où un visiteur du Moyen Age dans une ville n'avait aucun plan et se créait donc mentalement une image qui lui était personnelle basée sur un ressenti et un vécu. Une vision donc totalement différente de la ville. Les explorateurs urbains, ces gens qui visitent les recoins abandonnés, mystérieux ou négligés d'une ville, par exemple, ont une vision de la ville fort différente de celle du cadastre...
Nombre de romans, fantastiques ou non, prenant les villes pour cadre ont des similitudes dans la présentation d'une ville pour la rendre vivante, clefs et vecteurs pouvant provenir d'une application inconsciente de règles de construction d'une ville vivante, si souvent comparé à un organisme : Neverwhere (Gaiman), Yama Loka Terminus (Henry/Muccielli), Perdito Street Station (Miéville). D'ailleurs, ce sont souvent des villes semblant bien plus vivantes que celles trouvées dans les livres de SF des années 50, où la logique et la science s'expriment à plein régime.

Un livre que je conseillerais à qui veut découvrir la notion. Je pense franchement que nos conseils municipaux devraient s'y pencher un peu plus. Je ne pense pas me tromper en me disant qu'ils le font déjà plus ou moins, étant donné que les plans d'urbanismes rencontrent régulièrement le mur de l'association de riverains et de la future échéance électorale.

Psychogéographie! de Merlin Coverley,
chez Les Moutons Electriques ISBN n°978-2-36186-060-1

Edit : Le Paris Insolite de Clebert vient de sortir en poche (juin 2012)