mardi 24 juillet 2012

Hunter Stockton Thompson & Spider Jerusalem


Transmetropolitan, je pense que c'est ma BD préférée du moment. Le personnage principal est un journaliste au style direct, "gonzo", basé sur Hunter S. Thompson, tant dans la personnalité que le look (cherchez une photo de HST lors de la 'bataille d'Aspen') ou l'écriture. Au début de la bande dessinnée, il revient dans la ville, forcé de tenir une colonne. Une élection présidentielle va avoir lieu et il veut tout faire pour que "The Beast", le candidat sortant, ne soit pas réélu, au profit du "Smiler". Malheureusement, Smiler est encore pire que son prédecesseur, qui respectait encore vaguement quelques règles.
Vous vous demandez pourquoi j'en parle ? Ben parce que les bandes dessinées qui traitent de la collusion pouvoir-médias et qui plus est son bien écrits, enlevés, sans perdre de vue leur sujet, y'en a pas des tonnes. C'est le genre de BD qui vous enfonce deux doigts dans les narines pour vous coller les yeux sur la page jusqu'à ce que vous ayez fini le dernier tome, les yeux rougis par la fatigue, à des heures indues.

Transmetropolitan, Warren Ellis et Darick Robertson, chez DC Vertigo (en VO) et chez Urban Comics (en VF)

Mais pour parler de livres, je ne peux qu'évoquer avec plaisir le personnage dont Spider Jerusalem est issu. Hunter Stockton Thompson est une légende du journalisme. On a beaucoup parlé de sa personnalité borderline, avec force provocation et consommation de drogues et d'alcools. On parle trop peu de son style journalistique, sauf pour le décrire de manière un peu bizarre, un peu dénigrante. Parce qu'il est l'inventeur du style "gonzo" (ou se réclame comme tel) et a été imité jusqu'à la nausée par des tâcherons dénués de tout talent.
Ok, HST se met en scène dans ses articles, et il le fait avec un style provocateur, direct, violent, "dans ta face". Prenons l'exemple de "The Kentucky Derby is decadent and depraved", où il raconte comment il essaie de pénétrer la loge VIP. Ca se termine avec lui et son dessinateur qui fuient en bagnole, les yeux massacrés à la bombe lacrymo. On ne saura rien de la course. Sauf qu'au cours de cet article, HST parvient à décrire toutes les couches sociales présentes en détail, avec des constatations intéressantes sur le public que cet événement attire et pourquoi. Un excellent article. Et le style en fait un vrai plaisir à lire, jusqu'à son hilarante conclusion. C'est ça, HST. De l'excellent journalisme, un témoignage sur un pan assez particulier de l'Amérique d'une époque, dans un style déchaîné. Ce qu'il faut lire en priorité ce sont ses articles pour toutes sortes de journaux (Rolling Stone, National Observer, San Francisco Examiner, Playboy, Espn.com), rassemblés dans la collection des Gonzo Papers : The Great Shark Hunt, Generation of Swine, Songs of the Doomed, Better Than Sex et (je l'ajoute car il rentre dans la gamme même s'il n'en porte pas le nom) Hey Rube.
A ça s'ajoutent Fear and Loathing on the Campaign Trail '72, Fear and Loathing in Las Vegas et Hell's Angels. Sans parler de ses autres romans et de 3 films (Where the buffalo roams, Rhum Diary, F&L in Las Vegas).
Tout a été traduit en français ou est en passe de l'être, n'hésitez pas. Foncez.

jeudi 19 juillet 2012

Bienvenidos en Tijuana

Tijuana, l'une des villes les plus célèbres du Mexique. L'une des villes frontières. Le passage mythique pour tenter de fuir vivre chez les "gringos". Le départ d'un mur de la honte, un autre. Le décor de trouzaines de films. Le lieu de débauche de certains qui vivent au nord. Pour la plupart, une immense ville, fractionnée, travailleuse, intense. 60 millions de personnes passent la frontière chaque année, pour toutes sortes de raisons.


Pour des raisons de doc, j'ai cherché à en savoir plus sur cette ville qui cristallise tant de mythes modernes nord-américains. Et je suis tombé par hasard sur ce livre. Les trois auteurs ont tenté de donner un aperçu de ce qu'était Tijuana, d'à quoi ressemblait la vie réelle là. Immense mosaïque littéraire faite de photographies de rue et de citations de textes divers et nombreux provenant de toutes sortes de source (littéraires, documents officiels, articles de journaux, statistiques). Kaléidoscopique, le portrait est, bien sûr, incomplet et fragmenté, mais au final, difficile de donner un meilleur panoramique. Le lecteur, comme une mouche, recompose au final une image dans sa tête. J'ai rarement vu une meilleure façon de présenter une ville, quelle qu'elle soit (et pourtant, dieu sait que je me suis tapé des atlas de villes imaginaires bien péraves - Chaosium, celle là elle est pour toi).

Here is Tijuana, de Fiamma Montezemolo, Rene Peralta, et Heriberto Yepez
chez Black Dog Productions, ISBN n°1-9047724-55

lundi 9 juillet 2012

Ni télévision

"Il n'est pas de sauveur suprême, ni dieu, ni césar, ni tribun. Travailleurs, sauvons-nous nous-mêmes. Travaillons au salut commun." ~L'Internationale

Auguste Blanqui était un athée. Un anarchiste anti-clérical qui ne rêvait que dependre le dernier curé avec les tripes du dernier banquier.
En tout cas, on peut le caricaturer ainsi quand on ne souhaite pas creuser une pensée quand même bien plus développée et bien moins caricaturales d'un homme qui fut quand même une des figures essentielles de La Commune, pour la redistribution des capitaux et la collectivisation. Il pensait qu'il fallait une dictature éclairée d'un petit groupe de personnes pour mettre en place les choses avant de rendre le pouvoir au peuple. Bref, un penseur "ultragauche" très discutable (et discuté) mais aussi le symbole même de l'insurgé, stratège et tacticien des vagues révolutionnaires qui ont secoué la fin du XIXè en France.





Ce recueil de texte regroupe tous les pamphlets de Blanqui contre la religion. Ils sont cinglants. Ils sont saignants. Ils sont plaisant à lire. Ca casse du curé, ça mord du croyant, ça fout le feu aux bénitiers. C'est un peu violent à mon goût sur le sujet, moi qui ne suit qu'athée, mais ça permet de se lire un bon gros pamphlet bien virulent et ça défoule le païen que je suis. A emmener à la mer pour le lire au bord de la plage, avant de s'endormir sous le soleil de plomb en se cachant le visage sous un joli livre orné d'un slogan bien senti, en ces temps de repli religieux généralisé.

Ni dieu, ni maître de Auguste Blanqui
chez Aden. ISBN n°978-2930402772

lundi 2 juillet 2012

(...) et tout bronzé


Intéressant essai que celui-ci. La passion du bronzage est une inversion totale du canon esthétique (sur le sujet de la peau mais aussi des vêtements) qui s'est produite sur la première moitié du 20ème siècle, sur quelques décennies entrelardées de deux énormes conflits. Ce passage de la femme claquemurée et dont on célèbre le tein diaphane et le maintien à la femme en bonne santé au corps cuivré et dénudé (du corset à la minijupe, du maillot de bain couvrant totalement au monokini-string voire au naturisme) est une basculement excelpionnel par sa globalité, sa rapidité et son extension à nombre de domaines sociaux.

Plusieurs explications avaient été avancées à ce sujet, comme le lancement par Coco Chanel de la peau bronzée, les congés pays de 1936 ou encore le besoin de se distinguer de la masse i.e. laborieuse à la peau bronzée par le travail des champs dans l'"ancien régime" puis laborieuse à la peau d'une pâleur maladive par le travail en usine dans le "nouveau". Au travers de son essai, Pascal Ory commence par borner temporellement ce phénomène social avant de s'attacher à l'expliquer. Les événements et éléments ayant fait basculer le paradigme ne sont pas simples : les éléments énoncés plus avant sont effectivement présents mais ils sont loins d'expliquer le déclenchement, l'ampleur et la vitesse du phénomène. Le livre, après la question de datation, développe plusieurs axes par exemple"soigner" quand le corps médical commence par déconseiller le soleil jugé dangereux puis par promouvoir les bains de soleils et la nudité jugés excellents pour l'hygiène de vie...

L'économie et la publicité, eux aussi, ne sont pas dénués d'impact mais ne peuvent eux aussi être établis comme facteurs uniquement prescripteurs puisqu'un commerçant ne crée pas forcément le désir. Il étend et amplifie un désir latent ou méconnu.
Les guerres, elles aussi, ont eu un impact sur tout cela.

Bref, un essai court mais agréablement écrit, bien développé, qui étudie en détails ce faisceau d'événements et de facteurs corrélés qui font qu'aujourd'hui, dans les prochains mois, vous allez vous étendre sur une plage de sable fin, dénudé(e) voire nu(e), pour vous exposer agréablement au soleil et profiter d'un temps de repos bien mérité.

Bonnes vacances et profitez bien !

L'invention du bronzage de Pascal Ory
aux Editions Complexe ISBN n°978-2804801458

Edit : Thomas a raison, je n'ai appelé personne pour la suite. Donc je propose à Thomas, Alias et Munin de participer.