jeudi 21 novembre 2013

Calme plat à Vertu-Les-Bains

Ca fait plusieurs mois que je n'ai pas rédigé un message ici. La raison est double. D'une part La Vraie Vie m'a pas mal pris ces temps-ci. D'autre part, j'ai surtout lu des lectures de "loisir" plus que des trucs qui font réfléchir.

Quand j'étais ado, j'ai lu plusieurs textes des grands penseurs de l'anarchisme. Proudhon, Bakounine, Kropotkine. Mon côté "rouge et noir", voire "noir et vert" n'est un secret pour personne. L'autre jour, au salon du livre indépendant, j'ai ramassé deux livrets. Le premier c'est un dictionnaire de l'arguemuche des voleurs, par Vidocq. Inutile de vous le présenter mais c'est assez rigolo de retrouver de nombreux mots dans l'argot parfaitement courant. Ca fait une bonne aide de jeu pour n'importe quel jeu de rôles situé aux alentours de cette époque, voire aussi dans les jeux de rôles médiéval fantastiques se déroulant dans le "milieu" (je songe à l'excellent Wastburg, tiré du roman éponyme et tout aussi excellent). Bon, je vais pas vous enseigner à larlépem le louchébem non plus, je suis pas louf.
Le second livret, que j'ai fini dans l'avion l'autre jour, c'est "L'Esprit de Révolte", de Pierre Kropotkine. C'est un texte tardif, un pamphlet court où l'auteur étudie essentiellement la période pré-révolutionnaire de 1789 et essaie d'isoler les facteurs ayant permis la mise en place d'un moment révolutionnaire, d'une vague, ayant perduré un temps suffisant et ayant eu une ampleur suffisante pour arriver à ses fins. Le but étant de proposer aux révoltés d'appliquer les mêmes méthodes pour espérer les mêmes résultats.
Ca a vieilli.
Au-delà de l'appel réel à ce qui pourrait être assimilé à du terrorisme, ici Kropotkine nous livre son texte le plus décevant. Le pilier de la collectivisation et de l'entraide nous propose quelque chose qui est désormais inapplicable ou qui serait fortement mal vécu. L'expérience réelle de vivre dans une époque empreinte de terrorisme (le monde "post 9/11") fait que des méthodes d'appel à la révolte par des groupuscules sont mal vécues par le péquin moyen dont je suis. On est habitués à rejeter ce genre de choses.
S'ajoute à ça la volonté de communications que K. nous propose. Si cela était valide au XVIIIè siècle, cela ne l'est plus aujourd'hui. Nous sommes désormais dans un monde où on est assommés de messages dans tous les sens. Des messages supplémentaires seront noyés dans la masse, d'autant plus que nous sommes maintenant habitués à trier pour ne lire que ce que l'on veut vraiment lire. Un message qui vient de nulle part, c'est du spam, ça va à la poubelle, ce n'est pas lu. C'est fini. Il va falloir trouver autre chose.
Bref, là où la pensée de Kropotkine est souvent développée, soutenue, intéressante, là j'ai lu le brûlot d'un homme fatigué, qui cherche désespérément à trouver pourquoi la révolution n'a pas vraiment eu lieu... C'est bon d'avoir un théoricien, c'est important. Malheureusement, certaines méthodologies ne passent pas l'épreuve du temps.

L'Esprit de Révolte par Pierre Kropotkine
chez Manucius, ISBN 9782845780965
Texte complet chez Wikisource

lundi 30 septembre 2013

La répression personnelle peut mener à l'opression de masse

Hier soir, j'ai regardé pour la première fois le très sympathique Pleasantville. Il s'agit d'une comedie dramatique plutôt amusante et gentille bien qu'un peu longue à démarrer. David, joué par Tobey Maguire, et sa soeur (Reese Witherspoon) vivent avec une mère divorcée un peu cougar sur les bords. David, le quotidien ne lui plaisant guère, se réfugie dans un visionnage passionné d'une série télé américaine des années 50, Pleasantville. Dans cette série, tout le monde vit une petite vie parfaite, toujours identique, heureuse et dénué de changements.
Un soir, David et sa sœur se fritent sur le contrôle de la télévision et, pour une raison anecdotique, se retrouvent transportés dans la réalité de la série, cette réalité de carton pâte d'un rêve américain fantasmé qui n'a jamais existé.

Pourquoi je vous en parle ?

En fait, la sœur du héros, un peu délurée, va faire découvrir le sexe à ces personnages qui n'en ont aucune connaissance, pas même leurs parents (si si). A partir de là, la réalité va se modifier pour adopter de nouveaux paramètres et un nouveau paradigme (les choses peuvent brûler, l'équipe locale peut - gahsp - perdre ses matchs, les choses peuvent devenir en couleurs). L'intéressant, c'est au final que le scénariste de ce film dénonce, d'une manière très légère et gentille, le réactionnariat, le désir fondamental de revenir vers un paradigme idéalisé ne pouvant plus exister. On a peur du changement et on aime être en meute, c'est humain. Entre les livres qui brûlent, les magasins interdits aux "personnes de couleur" et l'apartheid naissante, on est dans du sujet grave.

Pour réutiliser les mots du réal' : Ce film explique que la répression personnelle sert de terreau à une oppression politique plus large... Que lorsque l'on a peur de certains aspects de nous mêmes ou qu'on a peur du changement, nous projetons ces peurs sur d'autres choses, et un tas de situations sociales très moches peuvent se développer.

Ainsi, sous des dehors d'une comédie simplette, le film présente de manière légère des problématiques lourdes. Je pense que ça peut faire un bon point de départ pour discuter avec le p'tit neuveu ou "piéger" gentiment un tonton réac'. Un genre de métaphore un peu gros sabot emballée dans un gros bonbon sucré.

Et pis ça permet aussi de passer un chouette moment.

mardi 3 septembre 2013

lundi 5 août 2013

Rappel

(vu sur G+)

Ce à propos de quoi on devrait vous informer :
  • Pourquoi les chauves souris meurent par millions
  • Pourquoi les abeilles meurent par milliards
  • Pourquoi les populations aviaires sont en chute libre
  • L'acidification des océans
  • La fonte des calottes glaciaires
  • La déforestation
  • Les dangers de la fracturation du gaz naturel
  • La pollution des sables bitumineux et ses dangers
  • La décapitation des montagnes
  • Les OGM, Monsanto et les problèmes causés par les pratiques agricoles toxiques
  • Les pénuries alimentaires potentielles à cause de la sécheresse, de l'épuisement des sols et de la chute des populations d'animaux sauvages
  • Les strates aquifères polluées et/ou épuisées
  • Comment faire pousser de la nourriture
  • Les dangers de la pollution industrielle
  • Les mensonges de votre gouvernement
  • Les mensonges du système financier
  • Comment on viole vos droits et vos libertés
  • Les centrales nucléaires vieillissantes, branlantes et endommagées
  • Les réalités de la guerre
  • Les résidus des munitions à l'uranium appauvri
  • La croissance de l'industrie pénitentiaire aux états unis
  • Les mensonges de la Guerre Aux Drogues
  • Comment en finir avec les carburants fossiles
  • La permaculture et un régime de vie durable
  • L'importance de la nourriture bio

Ce dont les médias vous parlent :
  • Qui a été tué
  • Lyndsay Lohan
  • Qui a dit quoi n'a guère d'importance
  • Kanye West et Kim Kardashyan 
  • Les poursuites en voiture
  • Justin Beiber
  • Qui divorce
  • Les exercices d'abdo de la First Lady américaine
  • Les scandales sexuels
  • Les résultats boursiers
  • Qui est homosexuel
  • Combien de voitures se vendent
  • Pathos à Washington DC
  • Le marché immobilier
  • Le pathos sportif
  • Un peu de révisionnisme historique
  • Qui a reçu un prix
  • Scandales judiciaires
  • Le prix du gaz
  • Pathos de téléréalité
  • Qu'est-ce qui est en train d'être construit
  • Des trucs permettant de maintenir subtilement la peur
  • Voyages, loisirs
  • Qui a acheté un truc cher
  • Quelle coupe de cheveux se faire faire
  • Un peu de racisme, un peu de sexisme
  • Les produits à acheter
  • Qui a eu un bébé
  • Où manger
  • Quelle couleur porter
  • Des trucs pour rester "in"

Notre civilisation mérite ce qui lui arrive.

vendredi 19 juillet 2013

On y est. Jusqu'au cou.

Ce qui est, à mon sens, pure miséricorde en ce monde, c'est l'incapacité de l'esprit humain à mettre en corrélation tout ce qu'il renferme. Nous vivons sur une île de placide ignorance, au sein des noirs océans de l'infini, et nous n'avons pas été destinés à de longs voyages. Les sciences, dont chacune tend dans une direction particulière, ne nous ont pas fait trop de mal jusqu'à présent ; mais un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons : alors cette révélation nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions cette clarté funeste pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d'un nouvel âge de ténèbres.
Dans l'abîme du Temps - Howard Philips Lovecraft 

Vous me pardonnerez l'usage de ce qui doit être la citation la plus célèbre du type mais c'est en gros l'effet que ça m'a fait de lire le livre attribué à Julian Assange. Je dis attribué parce que c'est en fait le compte-rendu d'une conversation entre Julian Assange, Jacob Appelbaum, Andy Müller-Maguhn et Jérémie Zimmermann.

Ce qui suivent ce blog ont pu lire, à intervalle régulier, mes coups d'sang à propose de l'une ou l'autre nouvelle loi, réglementation ou mouvement visant à réduire/censurer/diviser/rendre inaccessible Internet et l'information. SOPA, ACTA, PIPA et toute cette cohorte que les gouvernements et corporations tentent de mettre en place sous tout un tas d'arguments tous aussi fallacieux les uns que les autres : lutter contre les pédo-nazi-terroriste-dealers de drogue, sauver le cinéma, la démocratie, le monde, la musique, le livre, la télévision, etc. Jusqu'à présent, quelques trop rares personnes très motivées ont réussi, au péril de leur vie parfois, à empêcher ces lois de passer. Ce qui n'empêche rien. On a découvert des "lois secrètes" (si si). Ca n'a jamais empêché les gouvernements de vouloir tout surveiller, pomper, analyser jusqu'à une orgie de surveillance dont la Stasi et toutes les polices secrètes dictatoriales avaient seulement rêvé.


Mais jusqu'à présent, je n'avais pas rassemblé les morceaux épars du puzzle. Ce livre, au fur et à mesure de la conversation, le fait. Et le panorama, une fois assemblé les morceaux, est littéralement tétanisant d'horreur.

Avec un langage simple, des explications très claires et une discussion fort intéressante, on découvre l'effroyable faisceau d'intérêts qui pourrait mener à une société dont je ne crois pas qu'Orwell et Kafka aient pu songer dans leurs cauchemars glaciaux les plus noirs.

J'ai peur. Vraiment.

Menace sur nos libertés, de Julian Assange avec Jacob Appelbaum, Andy Müller-Maguhn et Jérémie Zimmermann
chez Robert Laffont, ISBN n°2221135229

Ce billet ayant été réalisé dans le cadre du Civblogger 2013, je me permets de demander à Alias, Thomas B. et aux corbeaux de lire un truc chiant. ;)

mercredi 17 juillet 2013

Une vidéo fascinante

C'est ici :


En gros, plus vous avez de pognon dans la vie (ou dans un jeu) et plus vous pensez que vous méritez tout ce que vous avez, avez le droit de donner des ordres, de briser la loi etc.
Amusant, parce que je pense que ça explique aussi pourquoi quand certaines victoires sont questionnées dans des jeux de société, la réponse pavlovienne est "mauvais joueur", quels que soient les arguments avancés par le perdant. On le voit avec le Monopoly.

vendredi 12 juillet 2013

De l'auteur et de l'oeuvre - une séparation nécessaire

Un billet rapide, parce que j'ai lu de-ci, de-là, des appels au boycott du film Ender's Game suite à la demande de tolérance de Orson Scott Card pour son homophobie.

Vous pouvez boycotter, c'est votre droit. N’empêche que.

Il faut distinguer l'auteur et son oeuvre. Si l'oeuvre en elle-même n'a rien à se reprocher, votre boycott va certes "punir" l'auteur mais aussi vous priver, peut être, d'oeuvres majeures.

Par exemple, Louis Ferdinand Céline était une personne horrible. D'accord. Pourtant, Voyage Au Bout De La Nuit est un chef d’œuvre magnifique. Voltaire ? Le penseur des lumières, dont les réflexions sur la civilisation, la liberté, la société sont l'épine dorsale de notre république, notre pays ? Il a écrit que l'homosexualité était une "dégoûtante abomination". Faut-il pour autant brûler ses livres, qui sont à la pensée moderne une pierre angulaire faite de génie, de modernité, de vision ? C'est pourtant le même Voltaire qui écrivit "Je ne suis pas d'accord avec vous mais je me battrai jusqu'à la mort pour votre droit à l'écrire." EDIT : en fait, cette citation est complètement apocryphe. J'aurai appris un truc.

Ne passez pas à coté d’œuvres majeures sous prétexte que son auteur dit des conneries aussi grosses que lui. Tant que ce n'est pas dans son œuvre, ça reste uniquement de la merde dans sa tête. ;)

jeudi 11 juillet 2013

"Je n'ai rien à cacher" et autre billevesées

Via les divers personnages fort intéressants dont je suis les publications, je suis tombé sur ce PDF, en anglais, intitulé "'I got nothing to hide' and other privacy misunderstandings" qui est extrêmement intéressant. L'auteur est un professeur de droit spécialisé dans la notion de "privacy" que je traduirai ici par "vie privée" même si "intimité" serait un meilleur équivalent, je pense. C'est aussi très court et, même si je vais tenter d'en faire ici une brève exégèse, je pense sincèrement que les 28 pages devraient être lues (si tant est que vous lisiez l'anglois).

Dès lors que l'on essaie défendre le droit à la vie privée, on tombe rapidement sur les mêmes litanies argumentaires :
- je n'ai rien à cacher (et seul ceux qui ont quelque chose à cacher ont à craindre)
- comment osez-vous mettre en regard votre petite vie privée en regard de la sécurité de (l'Etat, de la population du pays, des enfants, voire du monde)
- etc.
Et dans les arguments en faveur de cette défense, c'est souvent le Big Brother de G. Orwell qui sert d'épouvantail. De cette manière, l'argumentation entre les deux parties est bien verrouillée, les vaches sont bien gardées et la vie privée recule petit à petit.

Le problème, c'est de définir ce qu'est la vie privée ainsi que de réussir à extraire en quoi les atteintes à la vie privée sont dangereuses.

D'abord, la vie privée est un élément difficile à définir. Pour autant que les commentateurs politiques essaient toujours de se ramener au dictionnaire ou à l'étymologie quand il essaient d'argumenter, ce n'est pas là qu'il faut chercher. Comme tout sujet complexe, nous avons besoin d'une définition conceptuelle, définissant en détail le concept de vie privée, telle que le font les philosophes quand ils se penchent sur l'Amour, la Sécurité, la République, etc. Un sujet complexe réclame une définition complexe et non un articulet de dictionnaire, une étymologie ou trois "bullet points" sur un "slide".
Un mensonge courant (faux dilemme en fait) des argumentateurs est de limiter le sujet en disant - et quand je l'écris ainsi, on sent bien que c'est bête - "ce qui n'est pas public c'est ce que quelqu'un souhaite cacher". Ce qui sous entend un coté dissimulateur malsain à ne pas vouloir, au hasard, déclarer à la face du monde son salaire ou ses impôts, ce qu'on a mangé, quand on a fait l'amour pour la dernière fois et comment, ses petites maladies, etc. On répond souvent à ce genre d'arguments "alors pourquoi avez-vous des rideaux ?", "quel est votre salaire ?" etc. La répartie, pour toute maline qu'elle soit, ne résous pas la situation pour la simple raison qu'elle n'est que ça, une répartie, et qu'elle n'attaque pas le sentiment de malaise à l'origine du "je n'ai rien à cacher".

C'est pour cela qu'il faut donc établir les problèmes engendré par les atteintes à la vie privée. L'auteur le fait dans un article antérieur, mais il le résume ici. En gros, les atteintes ne sont pas uniques, elles sont nombreuses et la taxonomie n'est pas exhaustives mais, par opposition, permet de définir la notion de vie privée un peu plus clairement et de manière plurale:

Collecte de l'information
  • Surveillance
  • Interrogation
Analyse de l'information
  • Agrégation
  • Identification
  • Insécurité
  • Usage secondaire
  • Exclusion
  • J'ajoute : "erreurs"
Dissémination de l'information
  • Rupture de confidentialité
  • Fuite
  • Exposition
  • Accessibilité facilitée
  • Chantage
  • Appropriation
  • Distorsion
Invasion
  • Intrusion
  • Interférence décisionnelle
 Est-ce que vous voyez où on veut en venir ? Le Big Brother d'Orwell surveille et punit sur la base directe des informations collectées. C'est aujourd’hui moyenâgeux. Il y a longtemps qu'on ne traite plus l'information de cette manière. On fait désormais du "big data", c'est à dire de l'analyse statistique de données massives, de qualité faible. A l'opposé de l'analyse directe de données moins grandes mais très fiables. Cf. un article du Monde Diplomatique du mois de Juillet 2013. Big Brother ne couvre donc que la Surveillance, l'Interrogation et les punitions en cas de "chose à cacher", justement.
Non.
Le bon exemple est en fait "Le Procès", de Kafka. En résumé, ce n'est pas tant le fait que les données soient collectées, qui pose problème, mais l'usage qui en est fait derrière et l'absence totale de contrôle des gens dont les données sont collectées sur l'usage qui en est fait. Le personnage de Kafka est mis en accusation dans un tribunal, sans savoir pourquoi. Pire, on refuse de le lui dire. Il passe le roman à se battre contre une administration sourde et aveugle sur laquelle il n'a aucune prise.

Prenons un exemple plus concret (adapté du roman Little Brother, dont j'ai déjà parlé), le passe Navigo. C'est pratique : un abonnement, une carte, et fini les tickets, ça se recharge à la maison, et tout et tout. Bien. Maintenant, supposons que l'on analyse par algorithme la totalité des trajets effectués par les parisiens. On fait, par exemple, une analyse bayesienne, qui a pour but de nous sortir à quoi ressemble le "trajet moyen" d'un parisien. Un policier un peu inquiet pourrait alors se pencher sur les gens qui présentent des trajets, au contraire, opposés à ce trajet moyen. Pourquoi se comportent ils étrangement ? Ensuite, s'il s'avère qu'un trajet (non forcément extrême, hein, ceci est un second exemple) est représentatif d'un groupuscule criminel. Ben par paralogisme de composition on en vient vite à l'idée de ramasser tous les gens présentant ce type de trajet pour un petit interrogatoire...

Dans les exemples parfaitement réels, on connaît tous le STIC, ce fichier de la délinquance censé ne répertorier que les actes dûment établis et dont on sait pertinemment que la majorité des informations sont fausses... Qui en plus peut conduire des gens à perdre leur emploi (rupture de confidentialité/exposition), est utilisé par les détectives privés (fuite/chantage) et par des policiers véreux (chantage) ou des journalistes peu scrupuleux (exposition).
Plus simplement, on a tous, un jour, passé des heures et des heures avec une quelconque administration dans le but de faire corriger une misérable erreur. J'ai de ces histoires à raconter... Un ami a dû prouver qu'il était lui-même... Pas facile. Vous en avez sûrement d'aussi drôles.

Il y a aussi l'agrégation des données avec un usage secondaire. C'est un peu l'exemple du passe Navigo. Mais regardons plutôt les données mail. On sait désormais (merci M. Manach) que la France analyse en masse les métadonnées de nos communications. Pas le contenu (ils sont pas le droit) mais juste à qui vous avez envoyé, de qui vous avez reçu et à quelle date, sous quelle forme. Vous connaissez la théorie des 7 degrés de séparation. En gros, vous connaissez quelqu'un, qui connaît quelqu'un etc. qui connaît quelqu'un de célèbre. Avez-vous jamais pensé que ça marchait aussi pour vous accoler à n'importe quel criminel ?
Vous rappelez-vous la scène, dans Se7en, où les policiers analysent les fichiers de bibliothèques pour retrouver le type qui a emprunté les livres d'une liste précise ? Un "index" de livres est assez facile à produire et les gens qui lisent K. Marx sont tous des communistes actifs dangereux à surveiller... Ou le fait que les gens qui utilisent le cryptage, Tor ou TrueCrypt sont des criminels. Il est amusant, d'ailleurs, de voir comment la société traite les gens qui ont eu le courage de dénoncer des comportements secrets, cachés de ces mêmes gouvernements qui appliquent la surveillance de masse. Alors qu'on devrait tous les remercier et leur remettre une médaille pour nous pousser à l'amélioration.

Un dernier point, c'est le changement. On oublie toujours le changement. Aujourd'hui, j'ai écrit sans honte aucune sur ce blog que je suis naturiste. Militant. Doublé d'un sale écologiste, plus ou moins gaucho tendance anarchie molle. Demain, on peut très bien avoir un gouvernement bien brun qui décide de se débarrasser de ceux-ci (c'est déjà arrivé). Ou des gays. Ou des roux. Ou des gauchistes. Ou des amateurs de pizza. Ou des gens qui disent "nonméalokoi" (mais pour ces derniers c'est parce que j'aurai pris le pouvoir). Et ce jour là, on aura mis à disposition tout un tas de beaux outils... Comme la France a vendu à un certain dictateur Lybien...

L'auteur conclut qu'il sera difficile de prévenir la collecte de l'information mais, qu'en fait, le vrai problème résidant dans leur usage, il manque des instances de limitation de ces usages. Tout comme les écoutes téléphoniques doivent avoir été autorisées par des magistrats (sans trop de succès au vu des affaires régulières des fadettes qui surgissent dans Le Canard Enchaîné). La CNIL n'a presque aucun pouvoir. Il existe des instances populaires qui se placent en contre pouvoir, mais ça reste trop peu : les journaux, d'abord. Après, des gens comme EFF ou la Quadrature du Net ou encore Wikileaks, Pirate Bay, etc.

Lisez ces 28 pages.

lundi 1 juillet 2013

Comme à la maison

J'avais déjà dit tout le bien que je pense de Little Brother sur ce blog. Je me suis donc jeté sur sa suite, Homeland, que j'ai lu quasiment d'une traite dans l'avion me ramenant en France. Bon, je vous en parle alors qu'il me reste 3 pages à lire, hein, mais c'est pas grave.



Dans ce volume, on retrouve avec plaisir notre héros Marcus Yallow, glandouillant tranquille au Burning Man. Avant la fin du festival, il se retrouve avec un clef USB en main contenant la clef pour déchiffrer une gigantesque archive de documents gouvernementaux bien craspèques. Delà, il se retrouve à devoir les publier ou pas, au milieu de manifs etc. tout en cherchant un moyen de gagner sa vie en tant que webmaster d'une campagne électorale.

Tous les chapitres sont entrecoupés de pas mal d'information sur les technologies informatiques, les fablabs et comment protéger son ordinateur ou pourquoi protéger sa vie privée. Ces parties là sont passionnantes. Le souci, c'est que si on regarde le livre avec un peu de recul, il n'y a quasiment pas d'histoire. Le personnage se fait balloter d'événement en événement et ils sont assez peu nombreux, au final. Il n'y a pas le souffle d'aventure qu'il y avait dans le premier. On se retrouve à lire le bouquin pour profiter des informations IT qui sont dedans. Je le recommanderais néanmoins pour ces passages, fort utiles car bien expliqués et documentés. Le reste du livre servant à faire avaler cette information aux jeunes adultes auquel il est destiné.

Bref, je suis un poil déçu. Même si j'ai été fort ému par la scène où ils brûlent une bibliothèque, symboliquement, à Burning Man. Si vous avez toujours pas lu Little Brother (qui est sorti en français), sortez-vous les doigts, bon sang !

Homeland de Cory Doctorow
ISBN n° 9781781167489
PS : à noter que le livre est en CC, comme tous les livres du monsieur.

mardi 11 juin 2013

Mitigation

Je suis mitigé.
Je ne sais que penser, au juste, de ce livre. Résumons : le héros du livre est un écossais qui part au Groenland pour devenir le secrétaire principal du parti libéral-populiste local, rôle dans lequel il va exceller avant de faire une bêtise, le menant à quitter le pays pour le Canada. De là, il se joint à un groupuscule pro-nucléaire. A sa première action d'éclat avec ces derniers, le choix d'une nudité revendicative le fait exclure du groupe. Il fuit via le Mexique pour l'Ecosse, où il adope un naturisme renvendicatif qui le mène en prison où à l'instar de Stephen Gough, sa nudité intransigeante le fait rester entre 4 murs.
Voilà.
C'est tout.
Le style se laisse lire. Phrasé sec, mots choisis. Même si la forme est déroutante au départ, quelques pages et on est dans le bain.
L'auteur s'est documenté. Sa présentation des naturismes, par exemple, est très exacte, fouillée, précise. Certaines pages pourraient être réutilisée pour pas mal de sites web d'associations/fédérations naturistes : randonue, cyclonue, centre de vacances, découverte, psychologie, etc. Tout y est, décrit avec une justesse rare. Je subodore que sa présentation de la situation sociopolitique du Groenland soit de la même eau : renseigné, exigeant.
Mais. S'il n'y avait pas de mais, je ne serais pas mitigé.
Il n'y a pas réellement d'histoire. Le personnage principal est un fêtu de paille qui se laisse allégrement balloter selon le vent, sans réelle volonté. L'auteur l'utilise surtout pour faire de très très long exposés qui, s'ils sonnent juste, ne font pas avancer l'histoire. De tout le livre, il doit y avoir au plus trois événements anecdotiques qui font avancer vaguement le personnage vers sa fin. On dirait que le livre est une excuse pour lier trois ou quatre sujets qui intéressaient l'auteur. Vraiment dommage car une telle documentation, une telle précision aurait mérité une histoire qui soit à la hauteur. Même l'histoire de la tête nucléaire perdue au Groenland est exacte... Toutes ces informations auraient mérité une meilleure histoire. Encore une fois, dommage.

Nudism de Daniel Foucard
chez Inculte ISBN n° 9791091887014

lundi 10 juin 2013

Creative Commons : 10 ans

Je suis assez défenseur de la licence CC. D'ailleurs, le contenu explicitement de ma main se trouvant sur ce blog est en CC, ainsi que mes photos sur Flickr quand elles ne sont pas des portraits.
Owni.fr vient de sortir une infographie résumant très bien ces dix années (merci Alias)

mardi 4 juin 2013

CIVBLOGGER 2013

Bon, ben nous revoilà en juin, il va être temps de relancer le CivBlogger. Souvenez-vous, c'était l'an dernier. Cet été, à la plage, à la montagne ou ailleurs, vous lisez un livre sur un sujet de société (politique, société, vie, essai, roman, fantastique ou pas), vous en causez, vous donnez votre avis, vous me prévenez et vous demandez à trois blogueurs de faire comme vous. Ça change de l'habituel San Antonio où Béru explique patiemment à un prévenu que maintenant qu'il est prévenu il sait à quoi s'attendre (beigne ensues).

Je rappelle les règles :
  • Le nom : #civblogger2013 J'admets encore une fois que j'aurais pu trouver mieux.
  • Il s'agit de lire ou d'avoir lu un bouquin explorant un thème de société, un thème politique ou un thème de civilisation (évolution, tendance, prospection).
  • Vous en faites la fiche de lecture.
  • Vous citez trois bloggers (que vous prévenez) pour leur proposer de participer.
  • Vous citez ces règles et mettez un lien vers le message de blog qui vous a demandé de participer, histoire d'être sympa avec lui.
Après, essayez de me pévenir (via les comments, ou mail, ou whatever), que je vous centralise ici...

A très vite.

Participants :
Mon billet, sur le livre de J. Assange
Le billet d'Alias, Bon Appétit

lundi 3 juin 2013

Shame !

Tiens, une petite BD sur quand l'obsession des pères/mère-la-pudeur rend bête. C'est très vrai et m'a bien fait rire.

Marre des bouquins "genrés"

Je me fais l'écho de cet excellent article d'une libraire jeunesse qui pète son câble sur les livres pour enfants genrés. Et je la comprends.
C'est ici.

Je ne résiste pas à vous rajouter un bout de dialogue entendu samedi.

Entendu à un stand fromage de la ferme installée par la confédération paysanne à la rotonde Stalingrad (Paris 19). Extrait.
- Oui, tous nos fromages sont bio.
- "Bio", c'est un truc de gauche. Moi je suis de droite.
- ... Euh. La confédération paysanne, peut être. Mais le bio, ça n'a aucun rapport...
- Mais moi, je suis de droite, alors non. (S'en va)
- ... ???!!!??? ...

Le niveau de réflexion politique en est là.

vendredi 31 mai 2013

Le suivi du vendredi (#FF)

Tiens, je vais faire un court message pour faire de la pub aux amis, aux assoces et aux journaux que je lis, que je suis ou que je soutiens. C'est un peu un bonus du billet précédent. C'est une sorte de "#FF" fait à la main, cette petite activité que l'on fait où on cite des auteurs de contenu web sur les réseaux sociaux pour les faire connaître.

Journaux
En ces temps de disparition du papier, il faut savoir que je reçois encore dans ma boîte aux lettres Le Canard Enchaîné et Le Monde Diplomatique. Je ne dispose plus réellement du temps pour lire intégralement le dernier mais cela reste le journal qui me propose les articles les plus fouillés, les plus recherchés, les plus travaillés. Quant à leur site, il est admirablement fourni en contenu et ce sans compter les blogs qu'il héberge. Notez que le Diplo est sur Flattr. Le Canard, quant à lui, il ne sers à rien de le présenter mais savez-vous que le site web vous propose la une du journal chaque semaine, assez souvent en avance de la sortie ? Je vais en profiter pour signaler l'excellent "James" et sa critique de l'actualité "on veut travailler pour le canard enchaîné".
Evidemment, avide de niouniouzes du monde libre, je lis Le Monde mais je suis aussi par RSS dans le désordre Fakir, El Pais, Acrimed, Observatoire des Médias, EFF, la BBC, Boing Boing, Democracy Now et la Quadrature du Net. Bon, il est loin le temps où je faisais tous les matins mon survol de toute cette presse.

Associations

Maintenant, les associations que je soutiens, moralement ou financièrement, qui ne sont qu'une très fine liste de toutes les ONG que j'aimerais aider dans leurs activités. La liste qui suit ne répète pas, évidemment, les noms cités plus haut.
Oxfam est une association qu'on ne présente plus, de même que Amnesty International, le Don du Sang ou la Croix Rouge.
APNEL et AJNF sont deux associations affiliées à la Fédération Française de Naturisme. La première (dont j'ai longuement parlé et dont le combat me tient à cœur) lutte pour la dépénalisation de la simple nudité. La seconde est simplement une organisation tentant de fédérer les jeunes naturistes, activité importante car ce milieu vieillit énormément pour plein de mauvaises raisons dues à des travers de notre société.
Kokopelli est une association qui lutte contre la fascinante absurdité qui consiste à vous empêcher de cultiver des plantes dont les semences n'ont pas été validées dans un catalogue contrôlé par des intérêts privés. Au point que vous ne pouvez normalement même pas donner des graines prohibées à un ami.
La Cimade, qui se bat, entre autres, pour le traitement humain des gens qui viennent en France sans avoir la chance d'y venir par choix. 
Le Grog c'est mon coté geek rôliste. Une sorte de wikipedia du jeu de rôles fait à la main avec passion. Y'a aussi PTBPTG, des articles de fond sur le même sujet.

Blogs de poteaux
Des gens hyperactifs et intéressants, produisant de leur seul petit doigt plus de trucs intéressants que je ne le pourrai jamais de mes dix doigts. Vous avez mon respect et mon admiration.
Je vais sûrement en oublier des tonnes et ils vont sûrement tous m'en vouloir. A ceux que j'ai oublié : gueulez-moi dessus et je mets à jour. J'ai 103 flux RSS, alors c'est un peu 'auch.
Alias
Thomas B
Les corbeaux
Fiberevolution
Sakiko Jones
Ivy
Kagura
Tartofrez
Et pour le fun : Finders Keepers

mercredi 29 mai 2013

Le rucher aux makerz.

J'ai pas encore lu le livre de Cory Doctorow mais vu que j'ai participé à des initiatives de ce genre, je me disais que je pourrais en parler. Surtout que ça prend de la force selon de nombreux axes et que ça me fait plaisir. C'est dit. Pis c'est un peu une suite à mon billet précédent (et à plusieurs autres).

Depuis quelques années, la sous-culture des "Makers" (ceusses qui font) et, plus généralement, une culture du demerdozisch se développe sacrément, aidée en cela par les actuelles technologies de communication sociale. L'idée, en gros, c'est de mettre directement en contact le détenteur du savoir faire avec le demandeur de ce même savoir, ou de partager le savoir-faire autant que possible, ainsi que locaux, outils, etc. Il y avait déjà une forte culture des squats culturels (si j'ose dire) et c'en est aussi une extension. Je vais prendre un exemple : une amie a près de chez elle un bar où se rassemblent des gens dotés de savoir faire (bricolage, électronique, couture, tricot, etc.) et entre eux ou pour les gens qui viennent les voir, ils proposent de mettre à disposition leurs talents pour bricoler, réparer, recoudre, remettre en route. Créer, aussi. Des gens se rassemblent et font. L'avènement des imprimantes 3D, dont l'achat est coûteux et l'utilisation complexe, est une addition intéressante puisqu'en plus ils peuvent créer ou refaire des pièces avec cet appareil. S'ajoute à cela la mise sur le marché d'un ordinateur simplissime à très vil prix permettant tout un tas d'automatisations et de création, d'un OS libre (linux), etc, etc.

Il y a aussi le crowdfunding, qui a permis la réalisation de plein de projets (du simple porte clef rigolo à la réouverture de librairies en passant par le photojournalisme) en étant subventionné directement par la foule des gens intéressés par le projet. Ou encore flattr, dont j'ai déjà parlé.

Dernière de mes découvertes : la Ruche qui dit oui. Il s'agit de commander localement, en groupe, à des producteurs et d'aller chercher ses produits à la fin de la semaine chez un des membres. Si le producteur n'a pas assez de commandes alors la commande est annulée. La règle étant que les produits doivent venir de productions proches de "la ruche" (le membre qui va récupérer les produits pour tout le monde). C'est l'occasion, en plus, de rencontrer le producteur et d'échanger. On peut même proposer à la ruche ses compétence pour donner des cours ou aider les autres membres de la ruche.

Bref, il y a un début d'autogestion, d'auto-organisation, de réalisations en commun, à l'échelon humain, décentralisé, loin des circuits qu'on nous a imposés, au sein même du système. Et ça, putain, ça me fait sacrément plaisir. Bravo à tous, les gens.

lundi 13 mai 2013

Le travail n'est pas l'avenir

Je suis entrain de finir le célèbre texte de Paul Lafargue, le Droit à la Paresse, qu'il a écrit emprisonné à Ste Pélagie en 1833.


Dans son pamphlet, Lafargue réfute la conquête du droit au travail des ouvriers au XIXè siècle. Étant donné la nature du texte, nombre d'arguments sont éminemment discutables, cherchant le choc du slogan plus que la finesse du raisonnement.  Malgré les oripeaux agressifs et les logiques parfois spécieuses, il a raison sur un point : en quoi travailler et devenir esclave salarié est-il une victoire ? Faire bénéficier un autre des fruits du travail commun pour un salaire de misère, 15 heures par jour, femmes et enfants compris, serait donc une victoire ? Belle victoire que voilà, sachant que la boucle génère plus de misère à chaque itération et donc la nécessité de "plus de victoire encore" (entendez : travailler plus pour gagner moins).

De nos jours, la question mérite encore plus d'être posée, plus encore si on veut envisager l'avenir car il faut voir les choses en face : le travail, c'est le passé. Dans une merveilleuse société qui fonce en courant vers le Progrès technologique, on remplace de plus en plus "les cons par des machines" (je cite La Survie de l'Espèce). Y'a qu'à voir les caisses automatiques des supermarchés, le "Roomba" ou les robots que les japonais adorent produire. Ou alors, matez Matrix pour une version exagérément apocalyptique... Et comme la technologie s'améliore, le seuil où on n'a plus besoin de vous augmente chaque année. Donc on a une civilisation qui est vouée à créer de plus en plus de chômage puisque, simplement, quand on exporte pas le travail ailleurs, on l'automatise. Et l'exportation, ce n'est que la solution temporaire, au contraire de l'automatisation : profitez en pour vous pencher sur la notion de Singularité Technologique et surtout de ce qui la précède. Si notre civilisation a pour simple vecteur principal de générer de plus en plus de chômeurs par simple suppression de toute forme d'emploi, jusqu'à quand va t on se faire chier avec une économie dont le pivot de base, datant (c'est si moderne) du XVIIIè siècle, est le travail ?
On a une sorte de religion sociétale du travail. Il faut travailler. On vous forme dès l'école vers le travail. Quand vous serez grand, vous travaillerez. Jusqu'à ce qu'on vous mette au rebu... pardon, à la retraite. Ne serait il pas nécessaire d'entamer un changement de paradigme avant d'en crever ?

Pour tous les délires de posture que nos gouvernants font afin de ne pas faire sursauter la ménagère de moins de 50 ans devant son écran à propos du travail et de la réduction du chômage, les aides de toutes sortes ont augmenté, sous la totalité des gouvernements (oui, même celui de Koko). L'article de Mme Chollet dans le dernier Monde Diplomatique (mai 2013) est donc éclairant : même nos gouvernants ont inconsciemment le sentiment que le travail et la rémunération sont à décorréler. On a pas le choix : faudra bien vivre dans un monde dénué de travail. Le 22è siècle sera celui du chômedu ou ne sera pas.


Paul Lafargue : Le Droit à la Paresse - Réfutation du droit au travail de 1848
aux édition ALLIA, ISBN n°2-84485-020-0
Texte complet ici.

vendredi 3 mai 2013

Semences open source ?

Ces temps-ci, mes lectures et activités ont été assez peu en rapport avec ce blog. Voyage, dessin, photo, déménagement.
Désolé de l'absence.

Histoire que vous ne vous ennuyiez pas trop, voici un lien vers un sujet intéressant :
Les semences en open source.

J'ai un ou deux livres en cours dont je vous recauserai.

mardi 19 mars 2013

Assez, assez.

Cet article est complet, et donc essentiel, sur le sujet.
Sexisme chez les geeks et y remédier
Et pas de TL;DR s'il vous plaît. Je vous vois venir. Vous le lisez jusqu'au bout. Même si ça vous mets mal à l'aise.

Une partie notable de la communauté geek est sexiste à un niveau gerbatoire. Elle a aussi des vieux relents de racisme, de condescendance, de rape-culture, etc. Et le reste de la communauté traite cela en mode déni, autruche ou minimisation. Bref; elle ne gère rien.

Assez.

Tout cela il faut le combattre. Quand vous voyez ce genre de comportement autour de vous, réagissez. A noter que si vous ne vous reconnaissez pas dans les comportements décriés (et c'est tant mieux), il est de votre devoir de ne pas laisser les autres faire. Le concours passif est une complicité comme les autres. Même par inaction. Ne vous y méprenez pas. En disant cela, ce n'est pas "faut être avec nous ou contre nous". La seule chose qui vous est demandée est :
Si vous voyez quelque chose, dites quelque chose !

lundi 18 mars 2013

Movie Night

Coqueluche des oscars, chef d'oeuvre confirmant que Affleck est à la fois un bon acteur et un bon réalisateur, Argo est un excellent film. Il raconte en détail un événement annexe à la crise des otages de 1979 en Iran.


Le film est très bien fait. Il commence par raconter, de manière claire et sans trop de parti pris les événements ayant amené à la crise : la mise en place par la CIA du shah, ses dégâts sur l'économie locale, son hospitalisation, la prise de l'ambassade des USA locale. A partir de là, on suit un spécialiste de l'exfiltration de la CIA, joué par Affleck, qui va créer un énorme bateau pour faire sortir 6 américains qui se sont enfuis de l'ambassadeur et se planque chez l'ambassadeur du Canada. Son plan consiste à aller en Iran en faisant croire qu'il fait des repérages pour un film de SF appelé Argo, et que les 6 à exfiltrer sont en fait venus avec lui et sont le caméraman, le réalisateur, etc. Pour donner de la crédibilité, il se démerde pour faire croire à l'existence d'un vrai projet cinéma, avec un casting, un studio, une affiche etc. à tel point, et c'est le but recherché, que la presse ciné de Hollywood croit au projet.
Je résume pas tout le film mais son plan réussit, de justesse. Le film est super bien joué et tient son auditoire en haleine jusqu'à la dernière seconde. Et c'est un peu là que le bât blesse. Si l'histoire est bien réelle, la partie la plus "tendue", toute la montée de tension est en fait apocryphe. Il n'y pas eu de réelle tension à l'aéroport, et les exfiltrés ont d'ailleurs pris plusieurs avions séparés. Est-ce que c'est grave ? Pas tant que ça : globalement, le fond ne change pas et, si on oublie que le film donne surtout la primeur à la CIA contre le Canada qui n'a pourtant pas chômé, il reste un film et non un documentaire. Aussi cette tension était elle nécessaire pour scotcher le spectateur à son siège.

Ce qui est amusant, c'est que je suis aussi aller voir No, le film sur la campagne pour le référendum qui mit fin au règne de Pinochet.



Avec un parti pris malin de tourner en simili-VHS (on va dire en "lomographie"), le réalisateur peut sans mal mélanger les images de son film avec les images d'époque sans que le spectateur perçoive la différence. On suit un pubard très doué à qui les gauchistes chilien veulent confier les spots de 15' de leur camp, en faveur du Non (au règne prolongé de Pinochet). Il bosse dans la pub, il est globalement apolitique, contrairement à la mère de son fils qui passe son temps en cellule après les manifs auxquelles elle participe, lui reprochant son inactivisme quand elle passe à sa maison. D'un bout à l'autre, il sera surtout motivé par la réussite de sa campagne de pub et à montrer à son boss qu'il est meilleur que lui (son patron s'occuppant de la campagne du Oui).
Si ce morceau d'histoire est intéressant et la lutte par spot de pub, agrémenté de menaces et de répression, est passionnante, je reprocherais au film deux choses : d'abord, le personnage principal est absolument fade. Totalement neutre, mou, sans opinion, sans couleur, limite neurasthénique. Le scénario passe un bout du début du film à le mettre en place et à nous le présenter mais on ne s'identifie jamais vraiment parce qu'on ne parvient pas à s'y intéresser. On se fiche totalement de sa vie creuse, de ses longues vadrouilles en skateboard ou de sa neutralité absolue. On reporte son intérêt sur ce qui est important (la campagne) mais c'est vraiment dommage. Le personnage de son boss, par exemple, est plus intéressant. L'autre problème, c'est que si le traitement lomographique a des avantages (l'inclusion de séquences historiques sans "coutures"), il n'interdit pas de bien filmer. On n'est pas obligé de se taper des longs plans "plein soleil" où l'écran est tout jaune. Faire baver autant les couleurs n'était pas nécessaire. Les images d'époque ne sont pas si mauvaise et je me souviens assez bien que l'image VHS était pas si poucrave...
Bref, un film correct, fort intéressant historiquement, mais avec des défauts qui rendent parfois le visionnage pénible. En gros, les défauts opposés au précédent.

vendredi 8 mars 2013

Assez.

Aujourd'hui, c'est la journée internationale des droits des femmes. Abrégé par les pubards et les journaleux en "journée de la femme" parce qu'ils ont du mal au-delà de 3 mots de suite. Chaque année, c'est pareil, ça se transforme en journée de la blague machiste, florilège de bons mots bien pourraves, festival des meilleurs moments des épisodes de Capitaine Flam.
J'en ai ras le cul.
C'est pas comme si les 364 autres jours (+1/4 et parfois même une seconde intercalaire) étaient dénué de tout cela, bon sang. C'est aujourd'hui l'occasion de discuter un peu de ressenti, de se mettre un peu à la place de l'autre, de faire preuve d'un peu d'empathie et d'aller voir ce qui se passe pour elles dans le reste du monde parce que la situation est pas franchement à l'humour.

Regardez comme c'est rigolo :

/o\
  • En France métropolitaine, une femme sur dix est victime de violences conjugales (enquête Enveff menée sur des femmes de 20 à 59 ans victimes au cours de l’année 1999). 
  • En France, en moyenne, une femme meurt tous les trois jours des suites de violences au sein du couple.
(Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Violence_conjugale => étude du ministère de l'intérieur)
 
Alors calmez un peu vos jeux de mots poucraves qui sont de toutes manières les même chaque année et gardez-les pour le reste de l'année. Ou pour vous. Ou pour jamais, pour personne.

Merci.

jeudi 7 mars 2013

Il suffit de demander. Gentiment.

Amanda Palmer, ancienne moitié du groupe The Dresden Dolls, parle lors d'une conférence de TED de changer les mentalités sur le paiement de la musique et autres créations artistiques hautement distributives. En résumé : au lieu de les forcer à payer.... Demandez leur de payer. Un changement de paradigme important dans le cadre de biens transfinis. Et elle aune bonne expérience de son sujet, étant donné qu'elle est à l'origine du Kickstarter le plus réussi à ce jour.

Amanda Palmer, the Art of Asking

C'est en anglais, mais y'a un transcript disponible sur le site du TED.

Ce n'est pas parce qu'on n'en parle plus dans les médias

... que ça va mieux en Grèce. Avec notre société qui fait ressembler un poisson rouge à un champion olympique de Memory et de Mastermind, on oublie souvent que les drames, les crises et les malheurs qui font le beurre dans les épinards médiatiques continuent bien longtemps après le départ des caméras. Vous l'aviez oublié, mais pendant que l'essentiel des médias français se concentrent sur la sortie incroyablement arrogrante et suffisante de l'ex-président, des enfants meurent encore de fin en Afrique, la misère est toujours là à Haiti, Fukushima est toujours aussi radioactive et la Grèce est toujours autant dans la merde. Au final, c'est sur nous que ça me fait me poser des questions : on se lasse de se faire répéter que ça va mal, on réclame qu'un malheur chasse l'autre afin de nous divertir avant l'essentiel nouvel épisode de série télé. Récemment, une crise électrique a coupé l'électricité de plusieurs villes de banlieue. Pendant que le CHU du coin se demandait comment il allait faire survivre ses patients, que s'est il passé ? Des trouzaines de crétins se sont précipités sur Twitter pour préciser que rater l'épisode d'une série débile était le plus grand malheur de leur vie récente.
Je me rappelle il y a quelques années quand une coupure électrique avait mené à un boum démographique. heureusement, aujourd'hui, on a des smartphone et twitter pour ne pas parler à l'autre. Et bientôt les télés permettant de regarder deux programmes séparément pour au moins n'avoir rien non plus à se dire après le film.Ouf.

Bon, j'arrête là mon acrimonie, elle me fatigue moi-même. Je crois que je suis un peu las. Je vais donc revenir à l'objet initial et parler théâtre.

Vive la crise, comédie St Michel

Dans Vive La Crise, une pièce d'Alexandre Kollatos, une jeune troupe d'acteurs particulièrement dynamique nous raconte, sous la forme de tableaux, la mise à mort économique de la Grèce par les marchés financiers et les drames qui s'en sont ensuivi. Par petites touches, parfois dramatiques, parfois humoristiques, on nous conte avec une incroyable énergie l'enfoncement de la Grèce dans la misère et les délires "austéritaires" réclamés par tous (et dont un des chefs économistes du FMI a écrit, récemment, qu'en fait c'était peut être un remède pire que le mal - sans déc ?).

La pièce commence par des leaders dans un asile psychiatrique, caricatures de l'image projetée par les médias dans l'inconscient collectif. Une grèce complètement infantile, une allemagne à la Merkel autoritaire avec des relents bruns, une France faite d'un Sarko égocentrique tout en tics, une italie d'un Berlu obsédé sexuel, un FMI cupide, etc. Le tableau suivant explique plusieurs choses, tranquillou, aux touristes de la Grèce que nous sommes : un peu de société, d'histoire, le Routard à la main. Ce n'est qu'après que la pièce commence.

Les malheurs commencent. L'économie s'effondre. Papandréou, en premier de la classe ultrabrite fait passer des mesures de pire en pire. Les gens commencent à s'en aller. Pauvreté, misère, émeutes, suicides... Jusqu'à la mise à mort politique du premier ministre grec à Cannes. Et pas vraiment de sortie. Si les médias sont partis, les problèmes sont, eux, toujours là.

C'était vraiment une chouette pièce de théâtre, avec des acteurs très dynamiques (mention spéciale à l'acteur qui joue Papandréou), bien menée. La mise en scène est pleine d'idées originales. Dans un si petit espace avec autant de comédiens, l'action aurait pu devenir inintelligible mais non, l'attention est toujours concentrée au bon endroit par le jeu d'acteurs, la mise en scène, les lumières ou le texte.
Ma seule critique serait qu'il s'agit d'un réquisitoire, complètement à charge, qui nécessite l'équilibrage d'autres sources d'information. Cependant, cela fait du bien de se remettre toute cette litanie de la récession et du malheur en tête, car (cf. billet sur La Survie de l'Espèce) on est pas prêts de changer de mode de fonctionnement et c'est un peu ce qui nous attend tous.

Vive La Crise, une pièce d'Alexandre Kollatos à la Comédie St Michel jusqu'au 30 mai 2013.

jeudi 28 février 2013

Jours de désespoir, jours de colère

Ca faisait très longtemps que je n'avais pas lu un livre me mettant autant mal à l'aise, mis à part La Servante Ecarlate, que je n'ai pas encore fini (pour cette raison, d'ailleurs) et dont je reparlerai. A la différence de ce dernier, cependant, le livre de Chris Hedges et Joe Sacco n'est pas une fiction. Il n'a rien d'une fiction. Et il est terrifiant. A coté de ce livre, Soleil Vert vous propulse dans un futur assez joyeux et enthousiaste.

Jours de destruction, jours de révolte est une série de 5 reportages faits par Chris Hedges et Joe Sacco. L'essentiel de la rédaction est accomplie par le premier, quand le second narre sous forme de BD quelques uns des témoignages ou illustre le texte. Ne vous y trompez pas : les illustrations et la forme dessinée sont tout autant terribles. Les quatre premiers reportages nous font visiter quatre lieux des Etats-Unis d'Amérique, quatre catastrophes humaines et/ou environnementales, quatre drames du rêve capitaliste. Tous ne sont pas dénués d'espoir mais on voit bien qu'il est difficile d'espérer contre un système omnidestructeur.


Premier arrêt, Pine Ridge, SD où plusieurs peuples ont été volés, spoliés et massacrés pour, enfin, être désormais laissés pour compte et abandonnés à crever comme des chiens sur le bord d'une autoroute estivale, dans un mélange de pauvreté et de désespoir, mâtiné de violence, de prostitution et de drogue. Ces derniers maux sont une constante sur un terreau aussi fertile pour eux.

Second arrêt, Camden, NJ. Une des villes les plus pauvres des USA, alors qu'elle fut très riche. Là aussi, avec ses ressources phagocytées par les élites mauvaises, les opérations de sauvetage n'ont fait au final qu'engraisser les destructeurs de la ville. Pauvreté, pillage, prostitution, drogue... Et l'avenir ne s'annonce guère radieux.

Troisième arrêt, Welch, WV, où les compagnies minières de charbonnage font carrément exploser les montagnes pour récolter le chabon à ciel ouvert. Les destruction sont visibles sur Google Maps si vous cherchez, tellement le paysage est ravagé mais les images satellites ne montrent pas toutes les boues toxiques, les poussières cancérigènes et toutes les saloperies qui pourrissent la vie des locaux, pris à la gorge entre des compagnies toutes puissantes et des élus achetés via les dons aux campagnes électorales.

Quatrième arrêt, peut être le pire mais aussi celui qui est étrangement porteur d'une lueur d'espoir, Immokalee, FL. Ici, ce sont les immigrés clandestins qui vivent dans des conditions difficile à différencier du pur et simple esclavage. Dénués de droits faute de papier, ils sont emportés dans un système qui les enferme dans la misère, l'exploitation. Ils gagnent un salaire, mais celui-ci est rongés par les marchands de sommeils et tous les vautours autour, les maintenant dans la pauvreté, prolongeant la durée de vie du système. Une horreur inhumaine et sans nom. Il me semble d'ailleurs que l'esclavagisme était listé comme crime contre l'Humanité. Alors d'accord, ils sont payés, mais c'est un nuage de poudre aux yeux. La lueur d'espoir ? Ils ont commencé à s'organiser et à faire des actions coup de poing qui leur ont permis de ne pas voir leur salaires encore baisser...

Cinquième arrêt, New York, NY. Les auteurs rejoignent le mouvement Occuppy Wall Street, porteuse d'espoir et de révolte. On sait malheureusement ce qui est advenu à cette vague d'espoir, et l'enthousiasme des auteurs en 2011 n'est pas partagé par le lecteur de 2013.

Un livre qui m'a mis dans une rogne noire.
Jours de destruction, jours de révolte de Chris Hedges et Joe Sacco
ISBN n°2754808760 chez Futuropolis

mercredi 27 février 2013

Tristesse

Aujourd'hui, Stéphane Hessel, récent auteur de Indignez Vous ! mais aussi et avant tout un militant de nombreuses causes, diplomate, résistant, héros vient de nous quitter.
Le monde vient de perdre un grand, un très grand homme.

Le vide qu'il laisse est immense et effrayant.

lundi 28 janvier 2013

"Objet de culte"

Internet, des fois, c'est génial. Prenons un exemple : le jeune Lecteur, en CM2, possède un livre super génial qu'il a lu plein plein plein de fois et a développé son esprit critique. Surtout qu'il a eu une expérience directe du comportement dénoncé avec humour dans son livre. Ce livre, il l'a perdu à peu près au CM2 aussi. Faute de connaître le titre ou l'auteur, Lecteur pleure ardemment sa perte et peut se le tailler en biseau pour retrouver un exemplaire. Récemment, au détour d'une conversation Internet, quelqu'un cite nonchalamment un ouvrage super qu'il a lu, en donnant titre et auteur, mais en anglais. Et c'est le bouquin que je cherchais désespérément depuis vingt ans. Rhâ ! Ni une ni deux, gargle, mamazone, arbrebooks, prizeministre et consors sont épuisés pour en trouver un exemplaire hors de prix (de tous les livres de cet auteur, seul celui-ci crève le plafond en VF).

David Macauley est un pro pour ce qui est d'expliquer aux enfants comment les choses marchent, avec un dessin d'une précision et d'une clarté incomparable. Avec lui, j'ai découvert comment on construisait un château fort, une cathédrale, une pyramide... Comment le sous sol de la ville était plein de galeries, de tuyaux et de carrières de pierres (ou pas pour ce dernier). Etc.

Le plus génial des ouvrages qu'il ait fait est celui-ci. Un cataclysme a ravagé les Etats-unis en 1985 (oui, bon, hein), devenus une civilisation complètement oubliée. Dans un futur lointain, un archéologue déterre une étrange structure, complète, avec des squelettes dedans, que les anciens appelaient "Motel". Vu les corps allongés, il ne peut s'agir que d'un tombeau pour gens de haut rang ! Et à partir de là, très sérieusement, notre archéologue commence à réinterpréter tout ce qu'il trouve à sa sauce. La télé devient "le grand autel" pour les prières. Les WC ? Un petit temple secondaire dédié aux dieux de l'eau. Le récipient "ICE" ? C'est évidemment l'Isolateur des Contenus Essentiels où on plaçait les organes retirés des défunts.
Tout y passe, écrit et illustré avec humour.

Mais il y a une leçon, dans ceci et c'était qu'à l'époque (peut être encore aujourd'hui), quand les archéologues ne savaient pas à quoi servait un truc, ils y collaient un label "objet de culte". Mon expérience directe s'est faite avec une espèce de bâton préhistorique qui est passé, au fil de mes bouquins d'histoire de collège et lycée, d'objet de culte à propulseur à flèches pour la chasse... Un chouette livre qui développe un peu l'esprit critique des enfants, avec plein d'humour. Les autres ouvrages sont très bons aussi mais hors de propos ici.

La Civilisation Perdue de David Macauley
Chez L'école des loisirs, ISBN 2211016839
(vous pouvez le trouver facilement en VO sous le titre Motel of the Mysteries ISBN 0395284252 chez Houghton Mifflin)

lundi 21 janvier 2013

Notre espèce doit elle survivre ? Peut elle ?

Allez, zou, c'était pas prévu, mais voici un billet supplémentaire sur de la BD pour la simple raison qu'on me l'a prêtée hier (trop coule). Il s'agit cette fois d'une BD d'affreux auteurs gauchisant sur le fonctionnement du capitalisme, de sa naissance à sa morbidité actuelle. Le dessin est très réussi, produisant des planches essentiellement en noir et blanc - avec un peu de vert monétaire - au trait sévère avec une petit pointe cartoonesque pour la caricature nécessaire.
C'est très bien raconté, avec beaucoup d'humour noir et un cynisme féroce. Ça fait mal. En quelques étapes simples, les auteurs nous emmènent dans le monde profondément absurde et injuste du système. Le fait qu'on nous vende notre propre argent à chaque emprunt. Le fait que certains ne perdent jamais. Le fait que quoiqu'il arrive, le mécanisme ne fonctionne que dans une direction. Le fait que l'économie n'est pas, n'a jamais été une science "dure" mais sociale. Le fait, enfin, que le piège s'est violemment refermé sur nous tous. Reste-t-il un espoir ? Pour toute belle qu'elle soit, l'anecdote située à la fin de l'ouvrage est un bien faible rayon de lumière...



Le système actuel, dont on nous rabâche bien qu'il n'y a pas d'alernative (n'est pas, T.I.N.A ?) est mortifère, n'apporte ni bonheur ni avenir et s'achemine lentement vers le drame, si ce n'est déjà commencé. Malgré l'humour avec lequel cette fable est racontée, on referme l'album avec un goût de cendres...

La Survie de l'Espèce de Paul Jorion et Gregory Maklès
ISBN n°275480725X chez Futuropolis (avec ARTE éditions)

vendredi 18 janvier 2013

La norme ne saurait être que sociale, morale ou religieuse

En ce moment, l'hiver est chaud. Du moins quand on regarde la mobilisation de certains contre une basique égalité sociale qui n'a guère fait de remous dans les pays où elle est déjà implémentée depuis longtemps. D'ailleurs, quand on y pense, la mobilisation fut assez faible en regard des énormes moyens déployés. Comme on est obligés de rester au chaud quand l'obscurantisme, la peur de l'autre, la terreur de la différence ou la simple bêtise expriment passionnément leur étroitesse à l'extérieur, on a besoin de bons ouvrages. Il y a quelques temps, un ami - que j'en profite pour remercier - m'a parlé d'un intriguant ouvrage sur la sexualité dans la nature, et il en a finalement longuement causé sur le blog des corbaques.

Quand on nous rabâche que n'est naturel que la relation un homme plus une femme, sans aucune preuve scientifique autre que la norme sociale calcifiée habituelle, on oublie vite qu'il n'y a en fait aucune norme biologique sur le sujet. La nature est remplie de contre exemples. Il faut d'ailleurs souvent pas chercher bien loin, mais l'occultation des contre exemples et l'ignorance des règles de logique formelle sont souvent un vieux dada. Ici, donc, dans ce livre, Gwenn Seemel, artiste franco-étatsunienne nous livre une série de peintures animalières superbes. Le choix des animaux n'est aucunement anodin. De l'ours brun à la mouette en passant par la hyène ou la girafe, chacun de ces animaux se comportent différemment de la théorie fantasmée des manifestants bleublancroses sur un papa + une maman (+ un crayon + une gomme, c'est le "Mariage pour trousse" nous twitta quelqu'un).

Qu'apprends-t-on dedans ? Hé bien que ce que nous tenons pour "naturel", quoi que cela entende, n'est nullement une norme biologique absolue. Toutes les configurations imaginées et imaginables existent dans la nature. De nombreuses espèces forment des couples homosexuels, sur la durée ou pour de simple relations temporaires, par jeu ou pour élever des enfants. Dans de nombreuses espèces, c'est la femelle qui domine, qui chasse, qui gère. Dans d'autres, c'est le mâle qui se pomponne et se fait beau. Encore d'autres où les petits sont élevés par les mâles, ou par des couples homosexuels. Encore, enfin, où les mâles donnent naissance, où les femelles abandonnent la garde des petits aux mâles etc. Quoique vous puissiez imaginer sur la structure d'un couple ou la sexualité existe quelque part dans la nature.

Au final, quelle que soit ce qui constitue pour vous la "normalité" d'une relation familiale ou sexuelle, ce n'est qu'une norme subjective, sur une base culturelle, sociale, morale ou religieuse, mais nullement une vérité biologique, scientifique, absolue.

Les illustrations sont des peintures superbes, qui reprennent souvent un élément évoqué pour l'animal concerné. c'est très très beau, dans une acrylique colorée pointilliste que je trouve finement maîtrisée. Il y a un je-ne-sais-quoi de géométrique dans les "points" que je trouve très beau, au-delà du feu d'artifice des couleurs. Il est difficile pour l'illustration d'enrichir le texte mais au final avoir une jolie image des animaux concernés suffit à nous rappeler, à tout instant, que la nature est superbe, entre autres dans sa variété.

Le Crime Contre Nature de Gwenn Seemel
Fichier .pdf en français vendu contre simple don ou alors livre en anglais.

L'avis de Benoît Felten

jeudi 10 janvier 2013

Cleveland se bat contre des murs

Il y a quelques années, le maire de Cleveland a porté plainte contre 21 banques de Wall St. à cause du drame des subprimes, Cleveland étant l'une des villes les plus touchées par les saisies immobilières. Dans mon souvenir, il a été débouté. Le procès n'a jamais eu lieu.

Mais à quoi aurait-il ressemblé s'il s'était tenu jusqu'au bout ? C'est ce qu'a voulu découvrir le réalisateur de ce film, Jean-Stéphane Bron. Ce film est loin loin d'être une fiction. Toutes les personnes présentes sont des gens normaux et sincères. Ainsi, les plaignants sont de vrais plaignants. Les avocats sont réels. Les témoins sont réels. Le jury a été sélectionné de manière normale. Tous ont accepté de jouer le jeu pour de vrai. D'ailleurs, on y croise le policier présent sur la photographie ayant reçu le World Press Photo of the Year Award 2008... Si si.

On assiste donc à un véritable procès, sincère, réel. On peut voir le talent de l'avocat de la défense à l’œuvre (un sacré pro), la sincérité de toutes les personnes impliquées, jusqu'à la conclusion du procès qui, finalement, est assez naturelle quand on voit comment la question centrale est rédigée : Wall Street est elle coupable de la crise des subprimes ?
C'est vraiment très bien fait, très très loin des films bases sur des affaires de procès, genre l'Associé du Diable. Ici, pas de grands effets de manches, pas de retournements rocambolesques ou de témoins surprise. Chaque camp produit ses preuves et ses témoins. Les jurys discutent, le juge rend le verdict.


Non, vraiment, un must see qui permet à la fois de voir comment les subprimes immobilières ont pu dériver à ce point et comment se déroule réellement un procès. On y voit aussi à quel point vouloir mettre des jurys populaires partout est une mauvaise idée.

Cleveland Contre Wall Street Documentaire de Jean-Stéphane Bron, 98'
DVD (2011) Les Films Pelleas