lundi 13 mai 2013

Le travail n'est pas l'avenir

Je suis entrain de finir le célèbre texte de Paul Lafargue, le Droit à la Paresse, qu'il a écrit emprisonné à Ste Pélagie en 1833.


Dans son pamphlet, Lafargue réfute la conquête du droit au travail des ouvriers au XIXè siècle. Étant donné la nature du texte, nombre d'arguments sont éminemment discutables, cherchant le choc du slogan plus que la finesse du raisonnement.  Malgré les oripeaux agressifs et les logiques parfois spécieuses, il a raison sur un point : en quoi travailler et devenir esclave salarié est-il une victoire ? Faire bénéficier un autre des fruits du travail commun pour un salaire de misère, 15 heures par jour, femmes et enfants compris, serait donc une victoire ? Belle victoire que voilà, sachant que la boucle génère plus de misère à chaque itération et donc la nécessité de "plus de victoire encore" (entendez : travailler plus pour gagner moins).

De nos jours, la question mérite encore plus d'être posée, plus encore si on veut envisager l'avenir car il faut voir les choses en face : le travail, c'est le passé. Dans une merveilleuse société qui fonce en courant vers le Progrès technologique, on remplace de plus en plus "les cons par des machines" (je cite La Survie de l'Espèce). Y'a qu'à voir les caisses automatiques des supermarchés, le "Roomba" ou les robots que les japonais adorent produire. Ou alors, matez Matrix pour une version exagérément apocalyptique... Et comme la technologie s'améliore, le seuil où on n'a plus besoin de vous augmente chaque année. Donc on a une civilisation qui est vouée à créer de plus en plus de chômage puisque, simplement, quand on exporte pas le travail ailleurs, on l'automatise. Et l'exportation, ce n'est que la solution temporaire, au contraire de l'automatisation : profitez en pour vous pencher sur la notion de Singularité Technologique et surtout de ce qui la précède. Si notre civilisation a pour simple vecteur principal de générer de plus en plus de chômeurs par simple suppression de toute forme d'emploi, jusqu'à quand va t on se faire chier avec une économie dont le pivot de base, datant (c'est si moderne) du XVIIIè siècle, est le travail ?
On a une sorte de religion sociétale du travail. Il faut travailler. On vous forme dès l'école vers le travail. Quand vous serez grand, vous travaillerez. Jusqu'à ce qu'on vous mette au rebu... pardon, à la retraite. Ne serait il pas nécessaire d'entamer un changement de paradigme avant d'en crever ?

Pour tous les délires de posture que nos gouvernants font afin de ne pas faire sursauter la ménagère de moins de 50 ans devant son écran à propos du travail et de la réduction du chômage, les aides de toutes sortes ont augmenté, sous la totalité des gouvernements (oui, même celui de Koko). L'article de Mme Chollet dans le dernier Monde Diplomatique (mai 2013) est donc éclairant : même nos gouvernants ont inconsciemment le sentiment que le travail et la rémunération sont à décorréler. On a pas le choix : faudra bien vivre dans un monde dénué de travail. Le 22è siècle sera celui du chômedu ou ne sera pas.


Paul Lafargue : Le Droit à la Paresse - Réfutation du droit au travail de 1848
aux édition ALLIA, ISBN n°2-84485-020-0
Texte complet ici.

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