jeudi 21 novembre 2013

Calme plat à Vertu-Les-Bains

Ca fait plusieurs mois que je n'ai pas rédigé un message ici. La raison est double. D'une part La Vraie Vie m'a pas mal pris ces temps-ci. D'autre part, j'ai surtout lu des lectures de "loisir" plus que des trucs qui font réfléchir.

Quand j'étais ado, j'ai lu plusieurs textes des grands penseurs de l'anarchisme. Proudhon, Bakounine, Kropotkine. Mon côté "rouge et noir", voire "noir et vert" n'est un secret pour personne. L'autre jour, au salon du livre indépendant, j'ai ramassé deux livrets. Le premier c'est un dictionnaire de l'arguemuche des voleurs, par Vidocq. Inutile de vous le présenter mais c'est assez rigolo de retrouver de nombreux mots dans l'argot parfaitement courant. Ca fait une bonne aide de jeu pour n'importe quel jeu de rôles situé aux alentours de cette époque, voire aussi dans les jeux de rôles médiéval fantastiques se déroulant dans le "milieu" (je songe à l'excellent Wastburg, tiré du roman éponyme et tout aussi excellent). Bon, je vais pas vous enseigner à larlépem le louchébem non plus, je suis pas louf.
Le second livret, que j'ai fini dans l'avion l'autre jour, c'est "L'Esprit de Révolte", de Pierre Kropotkine. C'est un texte tardif, un pamphlet court où l'auteur étudie essentiellement la période pré-révolutionnaire de 1789 et essaie d'isoler les facteurs ayant permis la mise en place d'un moment révolutionnaire, d'une vague, ayant perduré un temps suffisant et ayant eu une ampleur suffisante pour arriver à ses fins. Le but étant de proposer aux révoltés d'appliquer les mêmes méthodes pour espérer les mêmes résultats.
Ca a vieilli.
Au-delà de l'appel réel à ce qui pourrait être assimilé à du terrorisme, ici Kropotkine nous livre son texte le plus décevant. Le pilier de la collectivisation et de l'entraide nous propose quelque chose qui est désormais inapplicable ou qui serait fortement mal vécu. L'expérience réelle de vivre dans une époque empreinte de terrorisme (le monde "post 9/11") fait que des méthodes d'appel à la révolte par des groupuscules sont mal vécues par le péquin moyen dont je suis. On est habitués à rejeter ce genre de choses.
S'ajoute à ça la volonté de communications que K. nous propose. Si cela était valide au XVIIIè siècle, cela ne l'est plus aujourd'hui. Nous sommes désormais dans un monde où on est assommés de messages dans tous les sens. Des messages supplémentaires seront noyés dans la masse, d'autant plus que nous sommes maintenant habitués à trier pour ne lire que ce que l'on veut vraiment lire. Un message qui vient de nulle part, c'est du spam, ça va à la poubelle, ce n'est pas lu. C'est fini. Il va falloir trouver autre chose.
Bref, là où la pensée de Kropotkine est souvent développée, soutenue, intéressante, là j'ai lu le brûlot d'un homme fatigué, qui cherche désespérément à trouver pourquoi la révolution n'a pas vraiment eu lieu... C'est bon d'avoir un théoricien, c'est important. Malheureusement, certaines méthodologies ne passent pas l'épreuve du temps.

L'Esprit de Révolte par Pierre Kropotkine
chez Manucius, ISBN 9782845780965
Texte complet chez Wikisource