mercredi 26 février 2014

Le Club des Acheteurs de Dallas

L'autre jour, je suis allé voir un film qui m'a mis une bonne beigne par sa violence psychologique.


En 1985 à Dallas, Ron Woodworf est un pégueu, électricien alcoolique et cocaïnomane, homophobe et qui aime le rodéo. Il se trimbale une sale toux et a des absences. Il finit à l'hôpital et est diagnostiqué malade du sida. Pour lui, impossible qu'il aie cette "maladie de pédés" mais la réalité est bien là. A l'époque, les hôpitaux se remplissent de malades et personne ne sait vraiment quoi faire. Une compagnie pharmaceutique obtient un "fast track" pour que soit autorisé l'AZT, qui avait été interdit une première fois du fait de sa haute toxicité dans le soin du cancer. Woodworf corrompt un infirmier pour obtenir de l'AZT, seulement utilisé pour les tests mais finit par ne plus en trouver. Il se rend alors au Mexique pour y rencontrer un médecin interlope. Celui-ci, qui fait aussi face à l'épidémie, sait que l'AZT est dangereuse et n'est pas limité par la réglementation de la FDA. Comme il lit la presse scientifique, il est au fait des autres tentatives médicamenteuse dans le monde et opte pour des soins qui ne traitent pas mais ralentissent la progression tout en aidant les patients. Découvrant cela, Woodworf va tout faire pour que les malades obtiennent des traitements alternatifs moins toxiques, en faisant de la contrebande de ces produits qui ne sont pas interdits mais pas autorisés non plus. De plus, à force de fréquenter les milieux gays, il finira par mettre de l'eau dans son vin.

Le film est dur. Vraiment dur. Les deux acteurs sont extrêmement convaincants en malades. La violence de la FDA qui refusent que des mourants puissent essayer tout ce qu'ils peuvent est difficilement supportable (toujours ce problème américain des revolving doors dans la FDA que l'on retrouve dans "Le Monde selon Monsanto"). J'ai découvert par ce film ce pan de l'histoire pharmaceutique des Etats-Unis et franchement, ça vaut le déplacement.

A la fin du film, quand les lumières se sont rallumées, le silence dans la salle était éloquent. Je crois qu'il faisait partie du film.

jeudi 20 février 2014

Economix

Mike Goodwin, l'auteur de l'excellent Economix vient expliquer un peu ce qui se cache derrière les traités commerciaux (le TPP mais en fait... tous).

Une EXCELLENTE lecture (en anglais).

Et puis celui sur la sécurité sociale.

mercredi 12 février 2014

Tous à walp

Un de nos politiques a dit des âneries sur un livre pour enfant qu'il n'a probablement pas ouvert. Martin Vidberg, de n'actualité en patates, a ouvert une idée élégante : tous les dessinateurs peuvent proposer un dessin sur le thème "tous à poil", qu'il hébergera.
Avis aux amateurs, donc, c'est là : http://vidberg.blog.lemonde.fr/2014/02/12/tous-a-poil-pour-le-14-fevrier/
EDIT : la galerie finale est ici.

Amusez vous bien. J'ai moi même envoyé une participation (à mon faible niveau).

Quant au livre, pour l'avoir feuilleté : y'a pas de quoi fouetter un chat. Il est joli, bien fait, sobre, amusant.



Plus d'informations. A noter que ce livre est sur une liste, non pas du gouvernement, mais de parents qui ont listé les livres pour leurs enfants, ceux qu'ils ont préférés.



Tous à Poils, de Claire Franek et Marc Daniau
aux Editions du Rou ISBN 2812602066

Intermède musical

Jérémie Zimmermann est le frontman du groupe de (cypher) punk "La Quadrature du Net" et il nous propose son dernier, tube, "Rien à Cacher".


Bientôt à Eurovision mais déjà partout sur votre Internet...

lundi 10 février 2014

Ca pourrait se passer près de chez vous.

L'autre soir, j'ai regardé le film God Bless America, de Bobcat Goldthwait. L'histoire : un américain banal vit à coté d'un couple de débiles, travaille avec des crétins et regarde de la merde à la télévision. Tout le monde se reconnaîtra dans son portrait ainsi que dans la critique qu'il fait de la société, ici hautement caricaturée mais finalement pas si éloignée de l'état actuel des choses. Lorsqu'il découvre qu'il va mourir d'une tumeur cérébrale, il s'embarque dans un road trip où il va buter les gens qui le gonflent, accompagné par une jeune ado qui partage son ras-le-bol.



Ce film s'incrit dans la lignée de pas mal d'autres films. Je pense d'abord à Chute Libre (1993), où un homme vient de perdre son emploi, en as ras-le-bol et va se retrouver dans une spirale de violence. Je pense ensuite vaguement à Idiocracy (2006), où la société est submergée par de plus en plus de débiles. Je pense, enfin et surtout, à C'est Arrivé Près de Chez Vous (1992) où, pour un reportage de télé-réalité, on suit un tueur en série. On ajoute à cette liste Natural Born Killers (1994) qui a bien ce principe du roadtrip d'un couple de spree-killers, sans la critique de la société (quoique, il y a quand même une critique de la télévision qui transforme les deux tueurs en stars de télé).

Avez-vous remarqué la proximité des dates de sortie de tous ces films ? C'est une tendance forte des années 90. D'ailleurs, la décennie se termine sur Fight Club (1999), où le consumérisme est critiqué via une étonnante auto-destruction.

Le gros défaut de God Bless America, c'est son manque de recul. Il s'agit d'un défouloir. On nous fait adhérer aux personnages principaux, qui accomplissent un truc dont on a toujours - dans un gros moment d'énervement - rêvé, saupoudré de quelques slogans bien sentis ("A quoi bon parler de civilisation quand plus personne ne veut se comporter en civilisé ?"). Et ? Et c'est tout.

Le génie de C'est Arrivé Près De Chez Vous, c'est de parvenir à accomplir une critique de ceci. L'assassin, Benoît, est moqueur, drôle et attachant. On le trouve de plus en plus sympathique. On devient son pote au cours de la première moitié du film... Mais au milieu du film, un instant d'horreur, auquel le spectateur-voyeur participe par le truchement de son inclusion à l'équipe de tournage du film (son oeil-caméra) fait réaliser, rétrospectivement, l'horreur de tout ce qui a précédé. Le piège s'est refermé et, à partir de cet instant, le spectateur s'est pris la leçon dans la trogne et la seconde moitié du film achève la punition pour avoir adhéré à la première moitié.

God Bless America, au contraire, tombe dans le piège facile qui est de faire ce qu'il critique au début. Le personnage abandonne sa sacro-sainte civilisation et finit par devenir ce qu'il déteste sans qu'à aucun moment le film ne se pose la question. Dommage. Reste quelques bonnes répliques...

God Bless America, sorti le 11 septembre 2011 (je doute que ça soit un hasard)
de Bobcat Goldthwait

jeudi 6 février 2014

Les ressources humaines du futur

Hier, je suis allé voir une excellente pièce de théâtre, intitulée Contractions, au théâtre Paris Villette. C'était excellent. Deux actrices : Emma est managée de près dans une entreprise moderne, tout de blanc, de chrome et de design, avec des méthodes de management et d'accompagnement des employés fort modernes. CLEER ne renierait pas ces méthodes. Pas plus que le Complexe Alpha.



Dans la conjecture actuelle, il est évident que Emma ne retrouverait pas du travail si elle venait à perdre celui-ci et l'entreprise veille à ce que tout soit parfait pour ses employés et leur productivité. Ainsi, ceux-ci se doivent de fournir des détails précis quant à leurs relations amoureuses au travail. Un geste, un regard, tout ceci peut affecter la productivité des autres et des procédures modernes, efficaces et issues de recherches avancées permettent d'en tirer les conséquences et de prendre les décisions qui s'imposent.

Au cours d'une douzaine d'entretiens entre Emma et son manager, on va voir évoluer la situation de cette employée au sein d'une entreprise Kafkaïenne qui ne veut, évidemment, que son bien. Au début, l'aspect Big Brother est amusant et fait rire. Un peu comme dans C'est arrivé près de chez vous, l'aspect sympathique et amusant nous fait presque adhérer au sujet. Et puis, comme dans le film, un acte d'une horreur barbare nous remet les pieds sur terre et nous renvoie à notre adhésion, notre docilité quant à une situation qui n'avait dès le début rien d'amusant.

Les actrices sont très très fortes : dans l'idée, elles se font face mais grâce à un jeu parfait, elles arrivent à jouer la totalité du spectacle face au public, ce qui permet de mieux voir le jeu d'émotions qui leur traverse le visage.

Au niveau des idées, tout y est. Du rêve humide des managers modernes qui voudraient tout contrôler et transformer leurs employés en drones à la dissolution des responsabilité dans une fantomâtique hiérarchie qui serait toute puissante ("c'est pas moi, c'est la politique de l'Entreprise") en passant par les réorganisation iniques et les entretiens réguliers inutiles. Je pense que les lecteurs de Cleer (L.L. Kloetzer) prendront un plaisir particulier à voir cette pièce.

Contractions
Une pièce de Mike Bartlett (ISBN 9781408108680)
Jusqu'au 8 février 2014 au théâtre Paris-Villette à 20h30 voir sur le site officiel