lundi 17 juillet 2017

La Servante Ecarlate

Il y a bien des années, une lectrice de ce blog m'a envoyé le livre de Margaret Atwood, La Servante Ecarlate. J'ai essayé de le lire à plusieurs reprises mais je galérais. Non que c'était mal écrit mais parce que la description de l'univers du personnage me mettait très mal à l'aise. Arrive Trump, GamerGate et autres connards machistes, avec un pic global et international de machisme puant (y'a qu'à voir les commentaires débiles qui ont accompagné les sorties des nouveaux opus de Star Wars, Wonder Woman et Ghostbusters, ou la réaction d'hier à l'annonce d'un Docteur féminin*). Et on reparle d'abord, comme d'habitude, de 1984 mais, et c'est plus surprenant, de La Servante Ecarlate ("The Handmaid's Tale" en vo) : Emma Thompson en achète des exemplaires pour les distribuer, une association de défense des femmes fait un happening basé dessus à Washington, etc.
Pourquoi ? Mais parce qu'on avait pas collé autant de bâton dans les roues des femmes depuis bien longtemps (et je soupçonne fortement que la mort de Simone Weil ne va pas arranger les choses en France).

La Servante Ecarlate est le récit, à la première personne, de la vie d'une "Servante". Dans des USA du futur, une dictature "chrétienne" s'est installée et a établi un ordre des choses pour les femmes proprement affreux. Il leur est attribué un rôle définitif : Epouse, Econofemme, Martha (cuisinière, femme de chambre, etc.) ou Servante. La couleur de leurs vêtements est définie. Il leur est interdit d'apprendre à lire, etc. La catégorie des Servantes (la narratrice) est dédiée à la reproduction. Si un mariage est stérile, on fournit à un homme une Servante, qui sera chargée de porter un enfant pour le couple (la GPA mais pas pour tous, uniquement les puissants). Le rôle de la Servante, toute vêtue de rouge, est absolument limité à cela : être un "vase". La narratrice est une Servante de la première génération de femmes à subir cela. Elle a eu une vie, avant : elle avait un mari, un enfant, qu'elle a perdus dans une tentative d'évasion échouée.
Il y a un épilogue sous la forme d'une étude historique de ce roman par des historiens cent ans après les faits, qui ajoute des informations de contexte. Ce n'est pas sans faire penser à Rêves de Fer dont j'ai parlé ici aussi.

Pourquoi ce roman est-il si difficile à lire ?
Déjà parce que je découvre avec horreur que nombre d'humains sur cette terre ont de la merde puante entre les oreilles (lisez "gamergaters", "broflakes" etc.) et que l'avenir décrit n'est pas super éloigné de certains de leurs idéaux. C'est pas nouveau mais, depuis quelques années, ça a cessé de se cacher sous les pierres où ça aurait dû rester.
Ensuite parce que le récit à la première personne fait part d'une résignation qui est difficile à accepter quand on lit plutôt des romans pour s'évader. Non, la narratrice n'est pas un héros. Elle a du mal mais accepte plus ou moins son sort, en étouffant ses sanglots. Ce qui serait la réalité pour la plupart d'entre nous confrontés à toute forme de totalitarisme. C'est dur d'accepter de voir la médiocrité dans un miroir, même déformant. Et pourtant...
Enfin parce que, quand on regarde le monde : ce futur, ou une variante d'icelui, n'est vraiment pas loin, bon sang (voire, existe déjà dans certains pays).

Un roman qui n'a cessé de me retourner tout au long de la lecture. Un roman fort, qui provoque une sacrée émotion, même si désagréable, est un BON roman.

Lisez-le.

La version qu'on m'a donnée.


Je vais voir si je peux emprunter le film à ma médiathèque, moi...

NB : merci encore, Ivy. J'aurais dû lire ce livre bien plus tôt !

EDIT : je viens d'apprendre qu'une adaptation en série télé était en ce moment même en cours de diffusion. Je ne l'ai pas vue mais, ce que j'en entends, vous pouvez foncer. http://www.lemonde.fr/televisions-radio/video/2017/06/27/pourquoi-la-serie-the-handmaid-s-tale-est-incontournable_5151842_1655027.html
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* : si un Docteur de sexe féminin vous pose problème, c'est que vous n'avez pas écouté ce que le Docteur vous a dit dans chaque. Putain. D'épisode.